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Interview : Patrick Levy-Waitz, en charge de la mission coworking pour le gouvernement

Président de la Fondation Travailler Autrement, Patrick Levy Waitz s’est entretenu avec ZeVillage, afin d’évoquer la mission autour du coworking qui lui a été confiée par le Gouvernement.

Patrick Levy-Waitz, Julien Denormandie, secrétaire d’état auprès du ministre chargé de la Cohésion des Territoires vous a confié une mission autour du « coworking », qui touche d’ailleurs l’ensemble des tiers-lieux, pouvez-vous nous en dire plus ? 

Tout d’abord, on a vu se développer un grand nombre de tiers-lieux créés dans les grandes villes. Ils émergent aujourd’hui sur l’ensemble du territoire, ruralité comprise. Tout cela avec une grande diversité de statuts, d’objectifs, de publics accueillis.

La mission doit répondre à deux questions : la première question est de savoir si le phénomène des tiers-lieux est conjoncturel. Est-ce finalement un effet de mode ou s’agit-il d’une réalité structurante liée aux transformations économique et à la mutation actuelle du travail et des espaces de travail ? Avec un peu de recul, chacun s’aperçoit rapidement qu’il ne s’agit pas d’une mode, c’est un phénomène bien plus important que ce qu’on imaginait au départ. Mais ce développement n’est pas encore finalisé, des territoires ne sont pas encore couverts.

La deuxième question posée, est la plus importante, bien entendu : y a-t-il matière à développer les tiers-lieux sur l’ensemble du territoire ? Si oui, à quelles conditions et sous quelles formes : quels accompagnements, quelles aides ? Pour ce faire, rien de mieux que de permettre à celles et ceux qui créent, de pouvoir s’exprimer. Nous avons d’ores et déjà rencontré plus de 80 acteurs: opérateurs de tiers-lieux, élus, sociologues, entrepreneurs, etc.

Une série d’ateliers participatifs et ouverts a été planifiée pour répondre à des questions-clés, notamment sur la gouvernance des lieux, point délicat car de plus en plus de collectivités locales portent des initiatives et n’ont pas forcément pris en compte cet enjeu. Enfin, une vaste consultation nationale vient d’être lancée qui permettra à chacun de pouvoir contribuer (www.mission-coworking.fr).

L’enjeu du coworking et des tiers-lieux en général dépasse largement la mise à disposition d’un lieu pour les entrepreneurs. En quoi, selon vous, le coworking peut-il être un outil de développement de territoire ? 

De quoi parle-t-on quand on parle de coworking ? De lieux extrêmement variés : dans leur taille, leur gouvernance, leur portage, leur communauté résidente, leurs partenaires. Il s’avère que le lieu de coworking consiste souvent en un espace de ralliement des acteurs qui l’entourent : fablabs, makerspaces, formations, pépinière d’entreprises, etc.

D’une mue du travail : les infrastructures (Haut débit, 4G, etc.) emportent le travail alors que jusqu’à aujourd’hui, il fallait aller vers le travail. Les villes concentrent logiquement industries et services. Le déploiement du très haut débit, la couverture des zones blanches télécom mobile couplés à l’émergence de filières tertiaires puissantes vont permettre au travail d’être effectué là où les collaborateurs seront installés. Les infrastructures emportent le travail. La phase d’innovation dans laquelle l’humanité est entrée constitue, dans ces conditions, une formidable opportunité pour les territoires. Cela est d’autant plus vrai que les territoires, pour se positionner efficacement, n’ont plus besoin de mobiliser des fonds importants. D’un contexte historique : le reflux de populations de territoires ruraux très souvent en manque d’attractivité. Il est donc urgent de recréer la capacité à agir sur le territoire, recréer de l’activité. Ces lieux à certaines conditions, et c’est l’objet, peuvent créer de l’activité.

L’économie traditionnelle est largement encore en dehors de ce mouvement de fond qui, en fait, touche le travail dans son ensemble. Que pensez-vous de l’enjeu que représente le coworking pour les entreprises elles-mêmes ?

Dans les tiers-lieux, on hybride, on croise compétences, entreprises et autres acteurs qui ne se croisaient pas ou peu jusqu’à présent. On développe des innovations intéressantes. Un espace comme Ici Montreuil est un très bon exemple. Le lieu permet de refabriquer de la capacité d’action sur un territoire : mutualisation d’équipements, relance de métiers en transition, etc. Ils redonnent corps à une manière d’apprendre, jusqu’ici en perte de vitesse, le « learning by doing ». Le lieu irrigue les entreprises dites traditionnelles qui l’environnent.

Pour qu’un lieu de coworking fonctionne bien  il lui faut une communauté active et engagée. Assez aisé dans les grandes villes, mais difficile à voir émerger de façon naturelle en dehors. La collectivité est souvent contrainte de faire…Or, lui en confier le portage n’est- il pas une gageure ? 

Beaucoup de lieux peinent à trouver leur clientèle. Finalement, la création de tiers-lieux sur un territoire, qu’ils soient portés ou non par la collectivité territoriale, interpelle la question de gouvernance et le format de collaboration entre le public et le privé. En effet, ces nouveaux lieux et leurs communautés viennent problématiser le rôle d’un acteur public qui accompagne, qui amorce mais qui doit apprendre à laisser faire et c’est nouveau ! On devrait penser différemment le rôle de la puissance publique, de la confiance entre acteurs, c’est un des défis auxquels la mission devra apporter des réponses.

Participez à la grande consultation nationale autour du coworking

Au-delà de votre mission, vous présidez la nouvelle Fédération des Partenaires pour l’Emploi (détails ci-dessous), comment voyez-vous le futur du travail ? Quels enjeux selon vous ? 

Tout d’abord, j’ai la certitude que les métiers de demain seront différents, pour au moins la moitié d’entre eux, de ceux d’aujourd’hui. Par contre, de quelles qualifications, de quelles compétences notre pays aura besoin, nous ne le savons pas encore. Une seule réponse pour accompagner la mue du travail : l’agilité par la collaboration de l’ensemble des acteurs publics et privés afin de réagir au plus vite quand une tendance, un besoin, se fera jour.

Impossible donc aujourd’hui de travailler dans son coin ! Il faut anticiper. C’est d’ailleurs tout l’objet de la nouvelle Fédération des Partenaires pour l’Emploi qui, en soi, est un collectif. Les réformes engagées par le gouvernement donnent la possibilité aux acteurs de prendre en main les sujets clés. Il faut transformer la peur de ces nouveaux outils en maîtrise puis en opportunités nouvelles, pour les femmes et les hommes mais plus généralement pour les territoires et le pays.

Le monde qui arrive redonne sa chance à tous, le savoir devient de plus en plus accessible, le numérique rend beaucoup plus dynamique la création de valeurs et améliore l’égalité des chances.

Patrick Levy-Waitz sera présent à la clôture de la 1ère Fête des coworking organisée par ZeVillage du 5 au 12 juin prochain partout en France, et dans les pays de la francophonie (Canada, Belgique, Suisse, Niger, Sénégal, Tunisie, etc.). 

Plus de 200 animations dans autant d’espaces de coworking et Fablabs montreront la diversité, la richesse et le dynamisme de ces lieux et de leurs communautés de freelances et autres télétravailleurs.

Inscrire votre tiers-lieu, trouver l’espace participant près de chez vous ou rejoindre les partenaires de l’opération : https://fetedescoworking.org/

Rédaction

Signature collective des rédacteurs de Zevillage.

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