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ZAE et tiers-lieux, la solution pour revitaliser les centres-villes ? (2/2)

Nous avons fait le constat, dans un précédent article, de ces Zones d’activité économiques (ZAE) qui contribuaient à détruire l’activité des centres-villes. Cette semaine nous présentons quelques pistes de solutions.

« Il n’y pas de territoires sans potentiel, il n’y a que des territoires démobilisés ! ». Nous partageons la conviction de Frédéric Gilli même si nous avons conscience que les stratégies de mobilisation échouent le plus souvent à impliquer les entreprises dans la construction du modèle de développement du territoire.

Malgré leur importance, les ZAE semblent être les grandes oubliées des stratégies de développement économique des collectivités territoriales. Celles-ci n’interviennent d’ordinaire qu’en tant qu’aménageur et commercialisateur de foncier. Et beaucoup plus rarement comme gestionnaire ou opérateur de services (moins de 10 % des ZAE en Ile-de-France sont véritablement gérées).

De plus, quand ils existent, ces services (restauration d’entreprise, conciergerie…) sont en règle générale gérés par des opérateurs privés qui :

  • ont industrialisé leur processus et travaillent avec des opérateurs nationaux, n’entrainant que très peu de retombées économiques pour le territoire d’ancrage
  • n’envisagent pas ces lieux comme des outils de développement territorial.

Une gestion des ZAE à repenser et des acteurs à remobiliser

Il est donc urgent que les collectivités repensent l’attractivité des ZAE au-delà de la simple concurrence sur les prix du foncier : leur articulation au territoire (et notamment leur lien avec les centres-villes riches en aménités), leur accessibilité et surtout leur animation. Plutôt que de multiplier les modèles actuels de ZAE, l’objectif doit être de stimuler l’émergence de nouveaux « circuits courts », fondés sur un ancrage local et une réciprocité économique incluant tous les acteurs du territoire.

Transformer les ZAE en plateforme de services mutualisés

Pour ce faire, pourquoi ne pas développer pour les ZAE des espaces hybrides offrant des services et des solutions mutualisés aux salariés et aux entreprises ?

Ils en feraient de véritables leviers d’un développement économique endogène, résilient et inclusif, au bénéfice de :

• la vitalité commerciale du centre-ville, en favorisant la vente au sein de conciergeries ou de points relais des produits des commerçants locaux indépendants (pressing, panier de marché, lavage et réparation de véhicules, …), mais également en proposant aux entreprises d’ouvrir dans une cellule commerciale vacante du centre-ville, un showroom de leurs savoir-faire ;

• la filière agricole locale, en proposant des restaurants inter-entreprises avec approvisionnement en circuit de proximité issu de la production responsable ;

• la qualité paysagère du PAE en créant des exploitations maraichères sur des fonciers dégradés ou vacants ou sur des toits d’entrepôts pour faire des ZAE des espaces nourriciers de la ville ;

• le lien social en créant des jardins partagés, des activités sportives ou culturelles en lien avec les associations ou lieux existants sur le territoire ;

• l’activité de l’entreprise, en mutualisant des services, équipements ou espaces (salles de réunion, espaces de coworking),

• la croissance de l’entreprise, par le développement d’offres de locaux flexibles pour lui éviter d’avoir à déménager dans une autre ZAE et par l’accueil de services d’accompagnement et en y organisant des animations et du coaching ;

• la transition écologique en proposant de l’ingénierie sur l’aménagement des espaces publics ou privés, ou sur les moyens de favoriser la production locale d’énergie, de traiter et valoriser des déchets industriels et de l’accompagnement sur des dispositifs de mobilité inclusive (auto partage, vélo en libre-service, bus privé, plateforme de mobilité,..) ;

• des finances publiques, l’intensification et la densification des ZAE existants, le développement de tels lieux étant bien moins coûteux que l’aménagement de nouvelles ZAE.

Des tiers-lieux au secours des centres-villes

En parallèle de cette stratégie de valorisation de l’activité économique locale, il s’agit de mettre en réseau les entreprises en ZAE avec les habitants, les associations, les artistes,… en articulant ces espaces avec les « lieux des communs » existants.

L’essor de ces tiers-lieux (fablabs, infolabs, coworking, …) est révélateur de plusieurs mouvements émergents, notamment autour du numérique, de la transformation des filières traditionnelles et de la place centrale des usages dans la création de nouveaux services ou produits. Mais ils souffrent d’une hétérogénéité des formes, d’un manque de structuration et qui sont surtout invisibles vis-à-vis des entreprises présentes sur le territoire.

On pourrait ainsi imaginer favoriser dans les centres-villes :

• le développement de nouveaux modèles d’organisation et de travail qui s’inventent dans les tiers lieux qui polarisent l’open innovation

• l’innovation dans les PME par la formation des dirigeants aux nouvelles méthodes appliquées dans la « nouvelle économie »

• la transformation organisationnelle et notamment digitale des PME et ETI ;

• la rencontre des acteurs issus de diverses cultures socio-économiques, et par effet de fertilisation croisée, la production et le partage de connaissances, la créativité et l’émergence de formes d’innovation territorialisées et différenciantes ;

• l’expérimentation par les approches collectives et l’accompagnement du passage à l’échelle des productions de biens et de services ;

• l’émergence de nouveaux modèles en matière d’économie territoriale, où l’acteur public aurait de meilleurs outils de médiation et de structuration pour activer les ressources territoriales et accroitre leur attractivité ;

• fédérer et former une communauté locale capable de co-construire un projet de territoire viable, inclusif et durable.

L’enjeu est donc de taille pour ces territoires qui semblent en retard. Toutefois, ils ont plus de cartes à jouer que ce que n’osent imaginer leurs propres habitants et les différents acteurs locaux des centres-villes et des villages. Bien qu’ils soient aujourd’hui éloignés, tout porte à croire qu’ils sauront tisser des proximités et se saisir intelligemment de ces opportunités.

(Photo : Wikipedia)

Hervé Bolard

Directeur Développement Economique Territorial chez Auxilia Conseil. Explorateur des territoires en transition. Conception de stratégie et pilotage de projet sur les territoires.

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