Espaces de travail

De nouveaux espaces de travail très « cool » et très formatés révolutionnent l’entreprise

A l’instar de Hopscotch, du Crédit agricole, d’Orangina-Schweppes ou de Sanofi-Aventis de nouveaux espaces de travail révolutionnent l’entreprise qui en profitent pour mettre en place de nouvelles stratégies de management décloisonnés. Témoignages.

Siège de Public Système Hopscotch

Futur proche. Lové dans un pouf XXL bleu turquoise, vous contemplez le Sacré Coeur derrière l’immense baie vitrée d’un espace de détente situé dans l’immeuble où vous travaillez au coeur de Paris. Une odeur de café envahit l’espace investi par des robots humanoïdes qui apportent le petit déjeuner, tandis qu’un drone délivre votre dernier prototype sorti d’une imprimante 3D.

Cette scène fictive s’inspire du tout nouvel espace de travail du groupe Hopscotch de conseil en communication. Installé depuis juillet 2015 au coeur de la capitale dans des locaux de 5 000 m2 réaménagés sur huit niveaux, il peut accueillir 500 collaborateurs. Dans ce temple de la modernité très silencieux, pas de bureaux attitrés, ni de téléphones fixes, mais 420 postes de travail nomades, 1.000 places assises et des casiers pour stocker quelques affaires personnelles.

Des open space accueillant 30 à 50 personnes voisinent avec des espaces « lounge« , des cafétérias, des espaces privatifs et de petites salles de réunion, dotés de mobilier design, une agora transformable et des cuisines high tech. Pour la détente, une salle de musique (« la boîte« ), une terrasse et une cour-jardin bientôt équipée de barbecues, agrémentent le tout.

Sanofi-Aventis, Crédit Agricole, Orangina-Schweppes… À l’instar d’Hopscotch et suivant l’exemple des start up californiennes, de plus en plus d’entreprises révolutionnent leurs espaces de travail au profit d’une stratégie de management décloisonné, explique à l’AFP Juliette Marmissolle-Daguerre, architecte et présidente de Shift In, qui accompagne nombre d’entre elles dans leurs projets de transformation.

Finis les bureaux fermés, empilés en fonction de la position hiérarchique. « L’heure est à l’ouverture, à la transparence, à la transversalité et à la disponibilité« , confirme Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte et psychologue du travail, auteur de plusieurs ouvrages dont « Comment (se) sauver (de) l’open space » (Parenthèses).

Espace d etravail, outil de management

Cette métamorphose s’accompagne d’un nouveau mode de management avec « plus d’exigence sur les objectifs mais plus de tolérance sur la façon de les atteindre« , résume Pierre-Franck Moley, membre du directoire d’Hopscotch. Mme Pélegrin-Genel pointe cependant « trois inconvénients majeurs: le silence, la perte de spontanéité, le risque de sectarisation« .

« Le moindre bruit devient intolérable, les gens intègrent très vite qu’ils n’ont plus aucune confidentialité et communiquent par messagerie« , explique-t-elle, en évoquant le cas des « managers de proximité, auparavant protégés par un bureau fermé, qui ont du mal à trouver leurs marques« .

Plus grave, selon elle, même si cela vaut « avant tout pour quelques start up » au public jeune, « le risque de sectarisation de l’entreprise« . Elle cite une étude très critique de Paul Saffo, enseignant d’engineering à Standford, sur Google qu’il présente comme « une religion que ses fondateurs tentent de faire passer pour une entreprise« .

« Il y a une réelle fascination pour le fun, le cool apparent de ces start up, où même la nourriture est formatée. Les jeunes veulent y entrer à tout prix. Tant qu’ils n’ont pas de responsabilités familiales, cela correspond à leur mode de vie idéal. Ils maîtrisent les nouvelles technologies et la multicommunication et ont l’illusion de maîtriser aussi les décisions et le contenu des échanges« , analyse-t-elle.

« L’espace de travail devient l’élément majeur d’un processus où vous travaillez nuit et jour avec le sourire« , ajoute-t-elle.

Evergreen by Crédit agricole

Après la crise de 2008, le Crédit Agricole, pionnier avec un premier campus basé à Saint-Quentin en-Yvelines dès 1978, a réuni 3 500 collaborateurs dans un autre campus de huit hectares, baptisé « Evergreen » à Montrouge, un site qui s’étendra sur 160 000 m2 pour 8 000 à 9 000 collaborateurs en 2017.

Campus Evergreen siège du Crédit agricole à Montrouge

L’agencement a été fait en consultant les salariés qui disposent tous d’un poste de travail (fixe ou mobile) et d’un poste en salle de réunion. L’espace, très ouvert, s’organise autour d’un bâtiment principal et d’un vaste espace de restauration sous verrière, baptisé « forum », transformable.

Golf, billard, flipper, piano… Outre des zones de détente et des espaces verts, les collaborateurs du CA disposent d’un service de conciergerie avec un pressing.

« On est resté dans cette notion de territoires (…), attribués aux différentes directions, sortes de villages par affinités, culture, avec un ensemble de solutions attachées à une équipe d’une cinquantaine de personnes« , explique Thierry Troadec, directeur projets, design et management des espaces de Crédit Agricole Immobilier.

Evergreen est né « de la volonté de la direction de changer les modes de travail, afin de les rendre plus collaboratifs et d’intégrer la révolution technologique tout en donnant une image du groupe attrayante pour les jeunes« .

« Ce n’est surtout pas un projet immobilier, c’est un vecteur de transformation« , insiste M. Troadec. Il évoque « l’adaptation spectaculaire » de la direction juridique : « réticente à quitter son bureau classique et sa bibliothèque, elle s’est mise aujourd’hui à l’ordinateur portable et au télétravail« .

Eric Nicolas Goata, directeur associé à Eléas, met cependant en garde contre des projets de transformation qui ne prendraient pas suffisamment en compte la « culture » de l’entreprise.

« La souplesse a ses limites »

« Il y a une vraie aspiration à travailler plus efficacement mais on ne peut pas faire du google partout. Transposer la qualité de vie au travail normée à la française, en tenant compte de la porosité entre vie professionnelle et vie privée, des crispations possibles liées aux horaires élastiques, ça ne s’improvise pas« , dit-il.

Chez Hopscotch, on croise des travailleurs concentrés qui officient en groupes, seuls ou à deux. Ils chuchotent, vont et viennent en portant leur laptop, munis d’un casque, et communiquent à distance sur skype. Certains, plus rares, échangent sur leur projet, en jouant au babyfoot.

Responsables, CDI, CDD, freelance (10%), « tout le monde est logé à la même enseigne« , explique Marie Lescure, 29 ans, consultante en relations presse. « On choisit son poste de travail en fonction de son activité, c’est moins monotone et on se rapproche de ses équipes. Lorsqu’on a besoin de calme, on se déplace dans un endroit approprié », ajoute-t-elle.

Elodie Pilliard, 24 ans, chef de projet, apprécie « l’hypermobilité: on partage beaucoup plus, on est plus organisé, on imprime moins et on a énormément d’espace à disposition« , dit-elle, concédant que « l’open space peut parfois être dérangeant et qu’il faut tout ranger systématiquement lorsqu’on s’en va« . Hormis un cours de yoga, elle utilise « peu » les espaces détente.

« L’espace change mais les gens restent les mêmes« , dit Anne Lattay, 59 ans, responsable du site, qui explique travailler « sur une charte des comportements » afin de faire respecter les règles d’utilisation des salles de réunion notamment.

Et la souplesse a ses limites, reconnaît Frédéric Bedin, président du directoire d’Hopscotch. Aller nager par exemple deux heures sur son temps de travail, s’accorde mal avec le code du travail, aujourd’hui « un obstacle à l’évolution des usages« .

(Source : Sandra Lacut – Fil AFP-Liaisons sociales)

Rédaction

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