Future Of Work

Election présidentielle : l’avenir du travail absent des programmes

Les changements en cours dans le monde du travail, accélérés par la pandémie de coronavirus, sont profonds. Nous avons regardé comment les candidats à l’élection présidentielle abordaient cette mutation dans leurs programmes. C’est simple : ils les ignorent.

Nous avons regardé si les candidats abordaient les sujets importants de la transformation du travail. Aucun n’aborde ces sujets. Les candidats affichent des catalogues de mesures qui sont des marqueurs claniques (35h, impôt sur la grande fortune, SMIC…), parfois des sujets d’il y a 20 voire 50 ans.
N.B. : cette analyse est réalisée sur les principales candidatures à la date de publication de l’article et sera éventuellement réactualisée après le 7 mars, date de l’annonce par le conseil constitutionnel de la liste définitive des candidats.

Rien sur les évolutions technologiques ou sociétales qui menacent de transformer le travail : intelligence artificielle, rôle des GAFAM, de la plateformisation du travail (à part pour taxer ou interdire), avenir des travailleurs indépendants et de leur protection sociale, robotisation, mobilités liées au travail

Routine, clanisme et idéologie

Autre exemple qui concerne plus les « cols bleus » : plusieurs candidats proposent une délocalisation des emplois industriels. Très bien, mais aucun n’aborde sur le fond ce que cela entraîne en coûts énergétiques pour ces usines relocalisées. Certes, les candidats se divisent sur les choix énergétiques entre partisans et opposants au nucléaire. Mais aucun ne parle de transition énergétique industrielle ni de baisse de consommation. Aucune anticipation sur les conséquences de l’augmentation du coût de l’énergie sur la réorganisation du travail et des mobilités. Laissera-t-on le prix de l’énergie réguler notre consommation ?

Dans cette campagne présidentielle de 2022 on doit bien reconnaître que les grandes questions sont sous leur radar. Par choix stratégique, peut-être mais par ignorance, certainement.

L’échange entre Eric Zemmour et la journaliste Caroline Roux sur l’enseignement illustre bien, symboliquement, la méconnaissance par les politiques des sujets actuels (par la journaliste également, d’ailleurs) : regardez l’extrait de cette vidéo à 5’42.

Ecoutez la société civile

Laurence Devillers, professeur en intelligence artificielle au CNRS, interviewée le 5 janvier dans le podcast de Jérôme Colombain ne dit pas autre chose et lance un appel aux candidats à la présidentielle dans son livre Vague IA à l’Élysée, Manifeste pour la présidentielle 2022 aux éditions de l’Observatoire.

Il est prévisible qu’à court terme l’intelligence artificielle et la robotisation détruisent des emplois pénibles et peu qualifiés pour en créer d’autres. Nous observons déjà ce cycle schumpeterien de destruction-création. Quelle va être la réponse de la société pour former et reconvertir les la partie non qualifiée de la population qui n’auras ni accès aux « petits boulots » remplacés par de la technologie ni accès aux nouveaux emplois très qualifiés?

De son côté, l’Institut de l’entreprise, think tank patronnal, a lui aussi choisi d’interpeller les candidats. Il vient de publier un travail de réflexion d’une cinquantaine de dirigeants d’entreprise amendé par 14 débats avec 120 citoyens. Un travail qui a abouti à des propositions concrètes autour de quatre thèmes identifiés importants pour les Français : Employabilité ; Nouvelles organisations et qualité de vie au travail ; Meilleure association des salariés à la réussite économique de l’entreprise ; transition énergétique et climat.

Enfin, si l’on s’intéresse à une réflexion de fond sur la transformation du monde, on pourra lire le livre de Nicolas Colin, Un contrat social pour l’âge entrepreneurial aux éditions Odile Jacob. Philippe Silberzahn, qui en a publié une recension très enthousiaste, explique que ce livre répond à une question cruciale : « Comment s’assurer que tout le monde profite pleinement des transformations actuelles de notre économie? ».

Nous avons vu que les candidats étaient éloignés des enjeux importants dans le sujet qui nous intéresse, le travail. Nous avons mis en exergue quelques sujets qui nous semblent importants et qui ont été abordés par certains candidats.

Temps de travail

Le vieux débat des 35 heures hebdomadaires est toujours présent dans cette campagne présidentielle, entre abrogation pour Valérie Pécresse avec libéralisation du temps de travail (par défaut 39h payées 39h) et retour au 35 heures réelles avec majoration des heures supplémentaires pour Jean-Luc Mélenchon.

Fabien Roussel demande un passage aux 32 heures, sans diminution de salaire et Eric Zemmour veut augmenter les heures de travail pour passer à plus de 35h. Pas de modification de la durée légale pour Anne Hidalgo qui veut toutefois inciter les entreprises à réduire la durée du temps de travail et généraliser le « compte épargne temps » pour que les salariés puissent consacrer du temps à des projets personnels.

Pour Nathalie Arthaud, il faut imposer la répartition du travail entre tous, sans baisse des salaires. Nous avons regardé comment ils parlent de six sujets actuels et sans complexité technique.

La quasi-totalité des candidats n’évoque pas ce sujet sous l’angle de la liberté de choix. Plusieurs d’entre eux choisissent de reproduire l’approche bureaucratique et autoritaire des 35h.

Télétravail

Yannick Jadot est le seul à aborder le thème du télétravail en demandant l’instauration d’un « droit au télétravail », très modeste, d’un jour par semaine. A noter que Fabien Roussel promet d’abroger les Ordonnances Macron et donc de leur volet télétravail (qui supprimait, notamment, l’obligation de rédiger un avenant au contrat de travail des salariés en télétravail et l’obligation d’indemnisation du télélétravailleur).

La soif d’autonomie des salariés traduite par la demande massive de télétravail et les difficultés des entreprises pour gérer cette nouvelle difficulté du travail hybride est absente des programmes.

Statut du travailleur

Seul Fabien Roussel aborde le sujet du statut en proposant de mettre fin à la précarité abusive des contrats de travail (intérim, CDD, contrat de mission, ubérisation, auto-entrepreneuriat subi, portage salarial). Pour lui, « les nouvelles formes d’organisation du travail, présentées comme porteuses de libertés individuelles sont en réalité un retour au travail à la tâche, un asservissement du temps de vie et une régression des droits collectifs conquis ». Les travailleurs et travailleuses des plateformes numériques et les autoentrepreneurs obtiendront un statut et des droits sociaux. A noter que les salariés en portage salarial sont aussi considérés comme précaires.

Christiane Taubira aborde très brièvement le sujet avec l’angle de « l’ubérisation » : même travail égale mêmes droits.

Jean Lassalle propose de créer un site public de comptabilité en ligne pour indépendants, dispensant d’association ou centre de gestion “agréé”, et faisant directement les déclarations.

Aucun candidat n’évoque les besoins ni la place des travailleurs indépendants dans l’activité économique ni l’alignement de leur protection sociale sur celle des salariés.

Revenu universel

Gaspard Koenig souhaite mettre en place un revenu universel couvrant les besoins de base, versé chaque mois à tout citoyen à partir de 18 ans et tout au long de son existence.

Valérie Pécresse en reste au RSA qui « doit donner lieu à une contrepartie d’activité d’intérêt général » mais veut créer un revenu jeune de 670 euros, mais qui sera destiné uniquement aux jeunes qui se formeront à plein temps, dans les métiers qui recrutent. Christine Taubira veut créer une dotation pour l’autonomie des jeunes qui garantira à chacun pendant cinq ans 800€ mensuels.

Philippe Poutou propose une revenu d’autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans.

Le débat de fond sur le revenu universel est reporté à une date ultérieure.

Demandez les programmes

Photo : Wikipedia

Xavier de Mazenod

Fondateur de la société Adverbe spécialisée dans la transition numérique des entreprises et éditeur de Zevillage.

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