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L’innovation managériale, un accélérateur de performance

L’innovation managériale est aujourd’hui plus que jamais au cœur de l’activité économique : environ 7 chefs d’entreprises français sur 10 déclarent que l’innovation leur permet d’assurer la pérennité et la croissance de leur entreprise, et le budget global annuel consacré au développement de l’innovation dans le monde a atteint en 2018 le record de 782 milliards de dollars, en ne considérant que les dépenses de R&D.

Par Marc Robert, Montpellier Business School – UGEI et Philippe Giuliani, Montpellier Business School – UGEI

Impliquer l’ensemble de la ligne hiérarchique dans la résolution des problèmes a permis aux usines de Schneider Electric de réaliser des gains de productivité proches de 10% par an. Charly Triballeau / AFP

 

Toutefois, le concept d’innovation demeure polysémique. En effet, on peut dénombrer au moins quatre types d’innovations, qui peuvent par ailleurs se combiner entre elles :

  • l’innovation produit, qui résulte d’un changement concret dans les caractéristiques physiques ou techniques du produit visant à améliorer ou réinventer celui-ci. Par exemple : le premier smartphone créé par l’entreprise Apple, la première voiture autonome de Google, ou encore le premier aspirateur Dyson. Dans ce cas, l’innovation
  • une innovation de procédé, qui consiste en la mise en œuvre d’une nouvelle technique de production, ou d’une nouvelle organisation logistique. Il s’agit par exemple d’ajuster la fabrication en temps réel, grâce à l’intelligence artificielle, si un produit ne se vend pas (une innovation largement adoptée dans le textile)
  • l’innovation stratégique, définie comme un changement majeur dans le modèle économique de l’entreprise. Par exemple : le modèle low-cost de Ryanair ou les journaux d’information gratuits pour le lecteur.
Les journaux d’information gratuits, une innovation stratégique.
Roland Magnusson/Shutterstock

 

  • enfin, l’innovation managériale, qui suppose une réinvention de l’organisation. On retrouve ce type d’innovation dans des entreprises comme Schneider Electric, leader mondial dans son secteur, ou des ONG de niveau international comme Action contre la faim.

Répondre à la pression :

Dans ces deux derniers exemples, la pression forte de l’environnement a poussé ces entités dans la voie de l’innovation managériale. La première pour répondre à une pression concurrentielle forte et au besoin de réaliser des gains de productivité aussi élevés que les entreprises qui se délocalisaient dans les pays à bas coût de production. La deuxième pour répondre à la pression des bailleurs de fonds qui poussaient à une professionnalisation de l’activité de l’ONG du fait de la raréfaction des dons et une obligation d’optimisation de l’utilisation de ces dons. Ces deux entités ont dû se réinventer complètement en termes d’organisation et de management.

Entre 2005 et 2010, Schneider Electric a mis en œuvre un nouveau mode d’organisation et de pratiques de management, toujours en place actuellement, appelé Animation à intervalle court (AIC). Ce dispositif a révolutionné l’ADN de l’entreprise, notamment en conférant des responsabilités accrues en matière d’amélioration de la performance aux premiers niveaux hiérarchiques. Un système de boucles successives de résolution des problèmes lie chaque niveau hiérarchique. Les premiers niveaux sont liés par une première boucle au management de proximité, qui est lui-même relié par une deuxième boucle au management intermédiaire, qui est également lié par une autre boucle au top management.

Témoignages sur la formation AIC réalisée par CSP pour Schneider Electric (2009).

 

Chaque niveau de management doit résoudre les dysfonctionnements afin d’améliorer la performance globale. Ce système de boucles d’animation à intervalle court a permis ainsi aux usines de Schneider Electric de réaliser des gains de productivité proches de 10 % par an. Les managers deviennent des supports pour les salariés et l’ensemble de la ligne hiérarchique est solidaire dans la résolution des problèmes.

L’ONG Action contre la faim a nommé sa nouvelle organisation « New DEAL » (développement, autonomisation, responsabilisation et leadership). Cette transformation en profondeur de l’organisation et du management, créée et implantée partiellement entre 2010 et 2016, est basée sur le transfert du pouvoir des services du siège aux équipes locales internationales. Cette innovation managériale est actuellement toujours en cours d’implémentation au niveau du siège social et pour les fonctions les plus stratégiques et sensibles comme les fonctions finances et ressources humaines.

Avec ce « New DEAL », la culture de l’ONG a été complètement transformée afin d’aboutir à un nouvel ADN. Cette association est passée d’une ONG de niveau national à une ONG internationale implantée dans 24 pays à travers le monde. Elle était très centralisée et hiérarchisée, elle est aujourd’hui tout l’inverse, car, comme le souligne un responsable, « qui sait mieux que le responsable de la mission locale d’Afghanistan ou d’Irak, les compétences à recruter, les fonds nécessaires à mobiliser et les bailleurs de fonds locaux à solliciter » ?

Les managers du siège social à Paris se sont ainsi transformés au court du temps en facilitateurs, et de moins en moins en centre de décisions et de contrôle.

Enclencher un cercle vertueux

Le point commun entre ces deux exemples est le lien entre l’innovation managériale et les innovations non technologiques (de produits comme les biens et services et/ou de procédés). Ils illustrent bien le fait que l’innovation managériale agit comme un accélérateur de performance.

Ce résultat a été rendu possible dans ces deux cas par la combinaison optimale des différents types d’innovations. La littérature académique qualifie de « synchronique » ou de « combinatoire » cette association. Cette approche synchronique suppose que l’innovation managériale et les autres catégories d’innovations ne sont pas dans une relation hiérarchique, mais se conjuguent au sein d’un cercle vertueux afin d’améliorer la performance de l’entreprise.

Au regard des exemples de Schneider Electric et d’Action contre la faim, présentés ci-dessus, ainsi que les travaux académiques évoquant la possibilité d’un cercle vertueux entre les innovations, il est plus optimal pour les entreprises d’adopter une combinaison des différents types d’innovations afin obtenir les meilleures performances. Ainsi, une entreprise qui innove en produits et en procédés doit innover en termes d’organisation et de management dans le même temps.

Selon l’approche synchronique, c’est la synergie entre les différents types d’innovations qui a un effet multiplicateur sur la performance globale de l’entreprise. Un effet multiplicateur se crée entre l’innovation managériale et les autres types innovations. Pour développer de nouveaux produits, les entreprises doivent trouver de nouvelles pratiques de management, une nouvelle organisation, des outils ou des méthodes sans redouter de modifier totalement l’ADN de l’entreprise. Ce nouvel ADN favorisera l’esprit innovant et la créativité car à chaque niveau les potentiels humains pourront s’exprimer et se développer. Les différents types d’innovations sont ainsi au service les uns des autres, en particulier l’innovation managériale qui reste pourtant généralement sous-estimée au regard de l’innovation technologique au sein des entreprises.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Rédaction

Signature collective des rédacteurs de Zevillage.

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