Télétravail

Le retard dans le télétravail est le symptôme d’une inadaptation de l’organisation du travail

Observatrice et militante du télétravail, Partner à LBMG Worklabs, Nicole Turbé-Suetens estime dans une interview à Entreprises & Carrières que le lent décollage du télétravail dans la Fonction publique est le symptôme d’une inadaptation de l’organisation du travail (Source : Fil AFP-Liaisons sociales).

Nicole-Turbé-Suetens-zevillage

Entreprise & Carrières : Que vous inspire le retard pris par la Fonction publique en matière de télétravail ?
Nicole Turbé-Suetens : Ce retard est surtout manifeste dans la Fonction publique d’État. Il est le symptôme d’une inadaptation de l’organisation du travail aux exigences des missions et aux défis auxquels la Fonction publique est confrontée dans la société actuelle et à venir : faire des économies, se rapprocher du citoyen, améliorer le service rendu.

Le télétravail aurait, par exemple, été un moyen “soft” pour faire des économies, en emmenant les agents eux-mêmes vers cet objectif. Au lieu de quoi, il y a eu des mesures arbitraires et sans nuances : la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

E & C : À qui la faute ?
N. T.-S. : D’abord aux décideurs politiques, qui ne se soucient pas vraiment des ressources humaines et sont encore dans de vieux schémas de pensée et d’organisation. Au haut management de l’administration publique, ensuite, qui en est encore aux méthodes de commandement, plus que de management. Il faudrait leur apprendre.

La dimension humaine n’ayant pas été considérée comme prédominante dans cette sphère de travail, cela se traduit par un taux d’absentéisme supérieur à celui du secteur privé. Le télétravail est un des moyens de le réduire, comme le démontre le baromètre d’Alma Consulting sur l’absentéisme.

E & C : N’y a-t-il pas des raisons objectives au faible développement du télétravail dans la Fonction publique : l’absence de cadre juridique, le déficit de management par objectifs, le statut ?
N. T.-S. : L’absence de cadre juridique est un faux argument, même s’il peut servir d’excuse pour ne pas mettre en place le télétravail. Les administrations qui ont voulu faire du travail à distance l’ont fait sans la loi Sauvadet et son décret, que l’on attend depuis trois ans.

D’ailleurs, si celui-ci n’est toujours pas pris, c’est parce qu’il n’est pas porté par les personnes en charge de la réforme de l’État.

Quant au management par objectifs, il existe en théorie, et nettement moins dans la pratique. Mais pourquoi la Fonction publique ne fonctionnerait-elle pas, elle aussi, par objectifs ? Ses missions sont autant mesurables que celles qui sont évaluées dans le secteur privé. Pourquoi deux mondes du travail aussi différents et ­discriminants ?

Enfin, le statut est sans doute un facteur de résistance, mais, là encore, pourquoi ne pourrait-il pas être revu ? D’autres pays l’ont bien fait.

Xavier de Mazenod

Fondateur de la société Adverbe spécialisée dans la transition numérique des entreprises et éditeur de Zevillage.

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4 commentaires

  1. 100% d’accord mais les RH sont aussi responsable de ce retard par manque de leadership dans le portage de ce projet

  2. Excellente analyse – Bravo
    Même informatisée, l’administration organise son travail comme au moyen age !
    Mais il faut surtout une volonté politique de changement des mentalités (idem que pour l’emploi des seniors) et de recherche des outils pour améliorer la performance en diminuant les couts !

  3. Bonjour,
    Je suis fonctionnaire dans une institution publique. Le télétravail existe par défaut chez nous avec des « agents nommés » qui, pour des raisons de santé sont empêchés de se déplacer pour travailler. De fait, ces agents travaillent à distance sans qu’aucun décret ne les encadre. Et ça marche. Mais là ou c’est le plus drôle, c’est que les agents en présence dans nos locaux, et qui ne sont pas malades, ne peuvent pas eux, travailler à distance. En résumé chez nous, il faut être malade pour être autorisé à travailler chez soi. Pourtant de nombreuses études montrent largement tous les bienfaits du travail à distance dans le public comme dans le privé. A l’occasion, essayer de lire ou voir le document passé sur Arté il y a peu et nommé : le bonheur au travail. Où l’on voit, clairement, l’efficience d’une telle modalité même dans le public. La caisse d’assurance maladie Belge, en passant les salariés volontaires à distance, a gagné 4 mois de traitement par dossier…Zut alors ! Il s’agit en effet de permettre aux employés de pouvoir s’organiser, d’être responsabilisés par rapport à leur travail et leurs objectifs. Ça s’appelle l’entreprise libérée (diminution sensible de l’échelle hiérarchique, télétravail, auto organisation, coût de contrôle supérieur au coût de production etc..). Mais les managers français croient encore que la distance qui les sépare de leurs équipes ne leur permet pas de les encadrer. C’est faux.. En fait la distance avec son « manager » ne se mesure pas avec un mètre et « badger » pour être « présent » ne veux pas dire « travailler ». On peut être proche de personnes distantes et inversement être très distantes de personnes à proximité….Et toutes les études à ce sujet montrent au contraire un gain sensible de productivité. Sans compter le gain dans les transports, le gain sur l’empreinte biologique, gain sur le stress, augmentation de la liberté organisationnelle (dans une certaine mesure bien sur). Et franchement je ne vois pas pourquoi ordonner à qq à distance de produire un document, une étude, un livrable, serait plus compliqué que de le lui demander en présence. « on a l’équipe qu’on mérite » dit un dicton managérial. Et je ne vois pas de distance la dedans.

    1. Bonjour,

      Tout à fait d’accord avec vous.

      Fonctionnaire à l’Etat, je rêverai de travailler au moins 1 jour par semaine en télé-travail, afin de me rapprocher de mon conjoint.

      En effet, les réorganisations dans la fonction publique se profilant, les mutations vont etre de plus en plus difficiles à obtenir. Et l’un des moyens de permettre aux fonctionnaires de se rapprocher géographiquement de leur famille ou centre d’intérêt affectif sans pour autant « muter », serait le télé-travail.

      C’est franchement ridicule de passer 2h30 dans les transports tous les jours, alors qu’on pourrait prévoir les réunions du lundi au mercredi / jeudi et permettre un ou 2 jours de télé-travail le vendredi ou jeudi / vendredi…

      Tout en restant en contact permanent avec ses collaborateurs par les moyens modernes de communication : téléphone (déjà ancien), visio-conférences (pas assez utilisées), forums professionnels (déjà existants mais pas assez exploités…).

      Peut-être faudrait-il en appeler à Mme Lebranchu à nouveau? En lui rappelant que ce sujet est prioritaire et structurant, et non une simple question d’organisation interne des services?

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