Télétravail, combien de divisions ?
Selon la 5e enquête Obergo sur le télétravail (A télécharger, PDF) le chiffre « officiel » de télétravailleurs régulièrement avancé, environ 16 % de télétravailleurs en 2012, serait largement surévalué. Une « esbrouffe » selon l’auteur qui oublie dans son évaluation le télétravail informel, soit 2/3 des télétravailleurs.
Absence de méthodologie de calcul
Selon l’étude de l’Obergo, le taux de télétravailleurs en France serait davantage proche de 2 %. Ainsi, les entreprises du secteur TIC ont un taux de télétravailleurs plus élevé, mais en général loin des 16 % affiché : Orange (7 %), Capgemini (7 %), Accenture (10 %), bien que la proportion d’emplois éligibles au télétravail soit importante (cadres, métiers autonomes, activités informationnelles).
Certaines entités de ces entreprises ont toutefois des taux de télétravailleurs beaucoup plus élevés : par exemple, dans une filiale d’Orange (Equant France – 1 700 salariés), on trouve 47 % de télétravailleurs.
La première observation que l’on peut faire à propos de ces chiffres c’est l’absence complète de méthodologie. Comment sont obtenus ces chiffres ? Apparemment un simple décompte des seuls télétravailleurs officiels.
Erreur d’évaluation ou calcul différent ?
Nous avions il y a 3 ans publié dans Zevillage le chiffre de 16% de télétravailleurs repris dans le rapport Mettling. Un chiffre qui comptabilise également les télétravailleurs informels.
Alors d’où provient une telle différence ?
L’Obergo limite son décompte aux télétravailleurs selon la définition du code du travail. Il retient uniquement ceux qui ont signé un avenant avec leur employeur. Il exclu également les fonctionnaires télétravailleurs au prétexte que le décret d’application de la loi de 2012 n’est pas adopté. Une vision très restrictive.
Deux tiers de télétravailleurs non formels
Or, pour un télétravailleur formel on sait que l’on compte deux autres télétravailleurs informels. Beaucoup d’entreprises, surtout des grandes, s’emploient donc à « régulariser » la situation. Aujourd’hui 82% des entreprises du CAC 40 ont signé un accord télétravail, la plupart après la loi de 2012. Mais malgré cela la pratique informelle du télétravail est toujours dominante.
L’enquête d’opinion Sémaphores-BVA de novembre 2015 (à télécharger, PDF) cite elle un chiffres de 20 % de télétravailleurs, proche des 16,7% calculés il y a 3 ans. Cette étude met également en évidence le ratio un tiers/deux tiers entre télétravail formel et informel. A la question Votre télétravail a-t-il fait l’objet d’un avenant au contrat de travail ? 27% des télétravailleurs répondent Oui et 65% non (8% NSP).
Sur le plan de l’analyse qualitative, le chiffre de 2% ne tient pas non plus la route. Selon Frantz Gault, expert du télétravail chez LBMG-Worklabs et auteur du calcul qui aboutit aux fameux 16,7 %, les chiffres de l’Obergo ne reflètent pas la réalité : « Nous avons accompagné beaucoup d’entreprises du CAC 40 à la mise en place du télétravail. Notre constat c’est qu’aujourd’hui les pratiques de mobilité informellles dépassent très largement le formel, et bien au-delà des ratios annoncés dans les études. Le formel est la partie émergée de l’iceberg « .
Côté PME l’observation est la même. Dans le programme expérimental de la CCI d’Alençon et du ministère de l’Economie Télétravail et PME, on retrouve le ratio 1/3 formel et 2/3 informels.
En conclusion, le décompte de l’Obergo est intéressant mais il est très partiel et très opaque sur la méthodologie employée. En aucun cas il ne traduit le mouvement de fond du télétravail (décidément le mot télétravail est bien limitant). Et surtout, il fait l’impasse sur l’enjeu stratégique que représente l’encadrement et le soutien aux pratiques de mobilité. A se limiter au monde visible on risque de ne pas voir le monde invisible.
(Ajout : voir la suite du débat chez Visionary Marketing)
(Photo : Frédéric le Quéré)