Stop & Work, le consortium Regus-Orange-Caisse des dépôts : la stratégie du déploiement de télécentres
Regus, Orange et la Caisse des dépôts viennent de s’associer dans une entreprise qui va développer un réseau de télécentres. Entretien avec Hubert Mallet qui a conduit le projet pour Orange. (Ajout : la société s’appelle Stop & Work).
Zevillage : Quel est l’objectif de la société qu’Orange vient de créer avec Regus et la Caisse des dépôts ?
Hubert Mallet : Cette société veut développer un réseau de télécentres pour proposer localement des services. L’objectif est de réduire les problèmes de transport des salariés et des entrepreneurs qui traversent la région parisienne tous les matins et tous les soirs pour travailler à Paris. Elle vise aussi à aider les territoires dans leur développement économique local à l’aide du déploiement de télécentres.
Cette démarche est encore très balbutiante en France. Même si l’on sait que cela fonctionne très bien aux Pays-Bas ou en Belgique, on est en France dans un modèle où tout est à créer. D’ailleurs, on observe que beaucoup de conseils généraux, de communautés de communes ou d’agglomération commencent à prendre le sujet à bras le corps. Certains sont même très en avance.
Dans des départements ruraux comme l’Orne ou le Finistère, ces réseaux de télécentres ont pour objectif de garder de l’activité dans un territoire en risque de dépopulation. Nous avons choisi de ne pas nous positionner sur ce sujet rural dans un premier temps. En tant qu’entreprise privée, nous devons atteindre l’équilibre financier de l’activité. Or, les télécentres ruraux n’ont pas encore trouvé de modèle économique. Et nous ne voulons pas entrer dans un système d’aide récurrent des collectivités. Nous voulons travailler avec les collectivités mais pas sous forme de subvention.
On peut imaginer que, lorsque nous aurons suffisamment de télécentres déployés dans les zones urbaines, les lieux urbains plus importants deviennent des hubs pour les télécentres plus petits. Mais il faut d’abord que nous fassions nos preuves avec les premiers centres.
Zevillage : Votre modèle économique repose sur de gros télécentres installés à des nœuds d’intermodularité ?
Hubert Mallet : Oui, ce sont des télécentres de l’ordre de 1 000 m2, avec environ 100 positions de travail. Nous apportons une valeur ajoutée importante de services, en terme d’accueil et d’animation et il faut donc du personnel sur place. Ce qui implique de créer des lieux assez grands pour pouvoir mutualiser les coûts avec suffisamment de clients.
Nos télécentres répondent aussi bien aux demandes des personnes qui « commutent », des télétravailleurs salariés, que des territoires et des entrepreneurs locaux.
Dans le 1er cas, nous passerons des contrats avec des grandes entreprises dont l’attente n’est pas un télécentre mais un réseau de télécentres sur un bassin de vie comme la région parisienne. Les salariés de Renault, de GDF-Suez, par exemple, sont répartis sur l’ensemble du territoire d’Ile-de-France.
Pour les territoires, notre offre répond aux problèmes de développement économique local pour éviter que les entrepreneurs n’aillent forcément dans Paris pour trouver un lieu qui réponde à leurs attentes.
C’est la somme de ces deux modèles économiques qui va permettre de trouver un équilibre financier.
Zevillage : Qu’est-ce qu’Orange gagne à s’impliquer dans une activité hors de son cœur de métier ?
Hubert Mallet : Orange a développé une stratégie autour des Smart cities, la plupart tu temps via la création de partenariats. Dans le monde des transports, on a créé un partenariat avec Street Line pour la gestion des parkings, dans le secteurs des utilités avec Veolia nous avons créé M2OCity pour la télérelève des compteurs.
Pour les télécentres ont est dans une logique non pas de transport mais de non-transport pour éviter la saturation des transports en commun ou privés, et on a donc monté ce partenariat avec Regus et la Caisse des dépôts.
L’objectif est toujours le même : répondre à des nouveaux besoins, à des nouveaux usages. On s’associe donc avec des experts métiers du marché. Nous apportons nos compétences du monde des réseaux, du monde de l’exploitation des données à grande échelle et du monde du cloud computing, nos 3 grands piliers de savoir faire.
Nous créons donc une société à 3 dans laquelle Regus est majoritaire. Le savoir-faire métier est chez eux et ils ont l’habitude de commercialiser ces services. Orange apportera les infrastructures réseau et la téléphonie. La Caisse des dépôts apportera un lien très fort avec les collectivités locales, complémentaire de celui qu’Orange entretient avec ces collectivités. Notre association apporte à Régus des facilités pour conclure les partenariats avec les collectivités.
Zevillage : Regus est connu en France pour son positionnement sur les centres d’affaires avec une approche immobilière et pas très « coworking ». Cela va-t-il être la même chose dans vos télécentres ?
Hubert Mallet : Non, cela va être différent car, physiquement, nos télécentres vont être un ensemble d’espaces de natures différentes. On va bien-sûr proposer des bureaux avec une mise à disposition traditionnelle pour 2, 3 ou 4 personnes. Mais on va aussi proposer des espaces pour le coworking, des espaces pour les travailleurs mobiles en mode business lounge dans lesquels on travaille au calme pendant 1 ou 2 heures.
Et Regus a mis au point des offres de mobilier qui permettent de répondre à cette demande de convivialité ainsi qu’aux usages différents. Je n’ai pas les mêmes besoins si je viens 1h pour relever mes mails ou si je viens pour partager dans une logique de coworking avec l’entrepreneur d’à côté ou si je veux m’enfermer pour réfléchir.
On a pensé une somme de services et des espaces différents selon la typologie des clients. Nous avons conçu ces espaces en réutilisant de l’existant Regus. Il y a une grande différence entre les anciens centres historique de Regus, qui n’avaient pas été pensés pour ces nouvelles méthodes de travail, et les centres qui ouvrent aujourd’hui en intégrant ces nouveaux usages du travail.
Zevillage : Comment allez-vous travailler avec les collectivités locales ?
Hubert Mallet : La création de chacun de nos télécentres reposera sur un partenariat avec la collectivité dans laquelle il sera implanté car nous voulons nous intégrer dans l’écosystème local.
Les lieux seront différents à chaque fois. Par exemple nous proposons d’intégrer un télécentre dans un projet local de Maison de l’innovation. Une autre collectivité nous dit qu’elle a développé une filière santé et qu’elle souhaite créer un écosystème de start up dans ce secteur. Nous lui proposons de créer un télécentre avec cette orientation santé. Le télécentre peut aussi par exemple être la transformation d’une pépinière qui fonctionne à coûts fixes avec une subvention de mètres carrés figée.
Nous proposons de la transformer en pépinière à mode variable dans laquelle le coût fixe est transformé en aide aux entrepreneurs qui viennent dans le télécentre. C’est un système gagnant-gagnant pour le développement local, pour la collectivité et pour nous aider à remplir notre télécentre.
(Photo : Majiscup)