Quand le sénat s’empare du télétravail : compte-rendu du colloque
Mercreddi 9 juin s’est tenu au sénat un colloque sur le télétravail en présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de la prospective et du développement de l’Economie numérique avec la participation de :
- Jean-Pierre Decool, député du Nord
- Georges Tron, secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique
- Pierre Morel à l’Huissier, député de la Lozère.
Ce colloque a été organisé à l’initiative de Muguette Dini, présidente de la commission des Affaires sociale et animée par Alain Gournac, sénateur des Yvelines.
Après une rapide introduction de Muguette Dini qui a rappelé les multiples intérêts du télétravail, Alain Gournac a lancé le débat avec une question volontairement provocatrice : « Pourquoi ça n’avance pas plus ?« .
Georges Tron commence alors par rappeler que l’administration avait entamé des expérimentations bien avant que le sujet n’arrive dans le privé mais qu’elle était finalement en retard sur ce sujet.
Il cite deux exemples en cours au ministère de l’Education nationale où 1500 agents télétravaillent ainsi qu’au ministère de la Justice.
Cela devrait permettre de dégager des règles de bonnes pratiques applicables à l’ensemble de la fonction publique où il existe un réel gisement de télétravailleurs.
C’est une piste envisagée dans le cadre de la restructuration actuelle de la carte administrative. Il réagit également positivement à la proposition de faire participer les parlementaires à la lettre de cadrage.
Pierre Morel à l’Huissier réagit ensuite aux propos de M. Gournac qui cite un sondage affirmant que « 10% des salariés à plein temps et 20% des salariés à temps partiel en France souhaiteraient télétravailler » et qui constate également un retard par rapport aux autres pays d’Europe.
Pierre Morel à l’Huissier nous précise qu’il y a encore des réticences et notamment de la part des syndicats; il y a aussi un problème d’adoption des nouvelles technologies dans l’administration. Une réelle mutation sociologique reste à mener.
Il regrette également que le vote du projet de loi tarde et que ce texte ait été expurgé et noyé dans un projet de loi sur l’emploi.
Il ne reste que quatre articles amoindris par les amendements, sous la pression de Bercy. Il regrette les difficultés qu’il a pu rencontrer pour dialoguer sur ce thème avec les différents acteurs dont le Medef et se réjouit que le Ssénat s’empare activement du sujet.
Jean-Pierre Decool intervient ensuite et nous fait remarquer que le télétravail avait été évoqué dans le cadre du Grenelle de l’environnement et que le fait que Nathalie Kosciusko-Morizet soit maintenant au Numérique est une bonne opportunité d’autant plus que le télétravail nécessite du très haut débit.
Il rappelle également qu’une des conséquences de la mise en place du télétravail est de rendre un peu de pouvoir d’achat aux télétravailleurs et que ce n’est pas anodin dans le contexte général actuel.
S’en suivent ensuite plusieurs interventions très intéressantes dans la salle (Cour d’Appel de Paris, Nicole Turbé-Suetens, CFTC, CPAM du Haut-Rhin, IBM, AREVA, ANDT, mairie de Forges les Bains, ATOS…) avant l’arrivée de Nathalie Kosciusko-Morizet.
Elle constate que ce sujet bouge beaucoup depuis un an et se réjouit que les entreprises s’y intéressent de plus en plus.
Elle rappelle que le haut débit (512 kb/s) est disponible presque partout à des prix raisonnables et que le déploiement du THD (Très Haut Débit) doit accompagner la montée en puissance du télétravail. Les infrastructures sont une condition nécessaire mais pas suffisante.
Elle nous parle ensuite des quatre leviers évoqués par le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) :
- la culture managériale
- la nécessité de communiquer mieux sur les gains attendus pour tous les acteurs
- la mise à disposition d’infrastructure de THD (Très Haut Débit)
- la diffusion d’outils techniques peu onéreux et le travail collaboratif.
Elle insiste aussi sur le fait que le télétravail peut s’exercer dans des télécentres ou tiers-lieux et que le télétravail doit être pendulaire et encadré.
Le CAS estime que dans le futur, 40 à 50 % des salariés pourraient être concernés.
Elle lance enfin un appel : 15 % du grand emprunt est à destination du numérique et 2,5 millards pour les usages et contenus dont le télétravail qui est cité dans la partie « ville numérique ».
Celan n’a pas fait l’unanimité et il faut que les réponses à la consultation publique lancée il y a quelques jours y fassent massivement allusion. Il faut se mobiliser sur ce sujet en gardant à l’esprit les critères suivants : création d’activité, d’emploi et aménagement du territoire.
Personnellement, je trouve que cette réunion était d’une très grande richesse. Les échanges étaient fructueux et les participants d’un excellent niveau. Cela présage un avenir qui peut être radieux si toutes les énergies convergent vers le même objectif.
Chaque évènement de ce type fait (re)naître des espérances – on en a besoin – mais les ratés au décollage de cette nouvelle forme d’organisation du travail doivent nous inviter à la lucidité. En mentionnant ces 4 leviers, Nathalie Kosciusko-Morizet propose un résumé pragmatique et pertinent, nécessaire pour agir. Pour compléter son propos et celui du CAS j’ai rassemblé, au travers d’expériences de conseil en entreprise, 10 conditions (7 + 3) pour réussir la mise en œuvre du télétravail. Une sorte de tableau de pilotage (http://www.arpe-mip.com/html/files/RT_NouvellesFormes_030309/Cepieres_formation_M_Maurin_030309.pdf).
D’abord 7 conditions qui sont communes aux différents types de projets : aussi bien les expériences ponctuelles que les projets d’entreprises plus ambitieux.
1/ L’intérêt des acteurs concernés ; aussi bien celui des salariés que celui de l’entreprise.
2/ Le poste de travail et le contenu de l’activité doivent se prêter au télétravail.
3/ L’organisation du travail, avec notamment un mode d’évaluation basé sur les résultats.
4/ Les styles de management adaptés, basés en autres sur une certaine flexibilité.
5/ Le profil des télétravailleurs.
6/ La compatibilité en vie professionnelle et vie privée.
7/ La formation des acteurs (en prenant en compte la recommandation à ce sujet de l’Accord national interprofessionnel du 19 Juillet 2005 sur le télétravail).
Les 3 conditions suivantes concernent plus particulièrement les projets d’envergure.
8/ Une décision stratégique, portée par des convictions au niveau central de l’entreprise.
9/ Une implication de l’encadrement ; pour valoriser le télétravail, les cadres doivent montrer l’exemple.
10/ La mise en œuvre du télétravail, enfin, doit faire l’objet d’une démarche de projet et se doter d’une instance de pilotage.