Un bon espace de travail favorise la productivité des salariés selon une étude Steelcase-Ipsos
Alors que les open space se multiplient dans les entreprises, Catherine Gall, directrice de recherche à Steelcase, affirme qu’un « bon espace de travail, choisi, favorise la productivité des salariés ». Focus sur l’enquête Steelcase-Ipsos sur le « bien-être au travail »
Q : Vous évoquez l’intimité comme vecteur de bien-être au travail dans votre récente étude. Pour quelles raisons ?
Catherine Gall : Aujourd’hui, l’élément le plus souvent cité par les salariés comme facteur indispensable à leur productivité est précisément celui qui fait le plus défaut dans la majorité des bureaux actuels : l’intimité. Dans l’étude, 95 % des salariés satisfaits évoquent en premier la possibilité de se concentrer facilement.
Juste derrière, ils citent la possibilité de travailler sans être interrompu, ce qui est de moins en moins le cas dans la plupart des métiers. Le manque d’intimité, c’est le principal sujet de mécontentement des salariés en ce qui concerne leur espace de travail. Alors que la mode est au développement des open space pour encourager au maximum le travail en groupe, les salariés ont aussi besoin d’espaces privés pour se concentrer ou recharger les batteries.
Q : La France apparaît au dernier rang en termes de satisfaction sur les espaces de travail. Comment l’expliquez-vous ?
C. G. : 43 % des Français sont en effet insatisfaits de leur espace de travail, contre 31 % pour les salariés des autres pays. Dans un monde où les espaces ouverts se développent, la France demeure singulière, avec une forte proportion de bureaux individuels. Pour certaines professions, c’est un élément indispensable, par exemple pour les cabinets d’avocats, qui n’envisagent pas de pouvoir travailler en espace partagé.
Cette différence d’appréciation s’explique notamment par la culture managériale française, essentiellement fondée, sur le présentéisme. Il faut être présent et visible au travail. On est loin du management à l’anglo-saxonne ou à la scandinave où le manager peut diriger ses équipes depuis chez lui, en toute confiance. En outre, le bureau individuel est également considéré comme un élément marquant la réussite sociale.
Retirer le bureau individuel à un collaborateur peut le blesser profondément et le démotiver, ce qui n’est jamais bon pour ce salarié, mais aussi pour l’entreprise. En outre, le choix à minima de son espace de travail constitue une source d’épanouissement et de bien-être du salarié. Or là aussi, la France est à la traîne dans ce domaine, où l’on donne véritablement peu la parole aux collaborateurs, considérant que cela relève de l’employeur uniquement.
Autre facteur en corrélation, la France est très en retard en matière de télétravail. Et 79 % des travailleurs hexagonaux n’ont jamais accès au télétravail, une solution parfois intéressante pour pallier au manque d’espace et d’intimité. En comparaison, au Royaume-Uni, pays où la proportion d’open space dépasse nettement celui de la France, 48 % des collaborateurs ont la possibilité de travailler à domicile.
Q : Quels sont les leviers permettant une meilleure prise en compte des situations ?
C. G. : Il est important de rappeler que c’est une question qui touche à la productivité donc à l’économie. De même que le bien-être au travail favorise un meilleur engagement, cela constitue un argument de taille. Un bon espace de travail favorise la productivité, l’engagement. Souvent peu entendus, les salariés peuvent saisir les instances de représentation du personnel, notamment le CHSCT pour défendre ce point de vue. Ils peuvent aussi constituer des petits groupes afin de pouvoir être acteurs de leur propre environnement de travail, ce qui est loin d’être le cas dominant en France.
Sans remettre complètement en cause la diminution des mètres carrés disponibles par salarié, on peut tout de même proposer des aménagements hybrides, avec des cloisons amovibles, assombries, des zones étudiées spécialement pour s’isoler, seul ou à deux pour des réunions. Des situations beaucoup plus fréquentes que les grandes réunions dans les auditoriums, des espaces pourtant souvent maintenus par les entreprises dans la plupart des aménagements et des déménagements. Il est essentiel de consulter le salarié, de lui donner une possibilité de choisir son espace de travail.
Q : Comment les salariés pallient-ils ce manque d’intimité ?
C. G. : Les stratégies d’adaptation sont multiples. Le plus souvent, le casque de musique vissé sur les oreilles est utilisé pour s’isoler. Autres moyens répandus, le post-it ou un panneau sens interdit mis sur la cloison ou sur le poste de travail, la désertion momentanée du bureau au profit d’un espace plus anonyme. D’autres jalonnent aussi leur espace avec des objets personnels ou des plantes. Dans certains cas, certains vont même jusqu’à mettre des lunettes de soleil pour bien faire comprendre qu’ils ne sont pas disponibles ! En revanche, les changements d’orientation de bureau ou de siège sont moins fréquents.
Télécharger la synthède de l’étude Steelcase-Ipsos sur le « Bien-être au travail » (PDF, 1,6 Mo)
(avec Fil-AFP-Liaisons sociales)