Télétravail
Télétravail : l’employeur ne peut pas revenir unilatéralement sur le travail au domicile
Lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail au domicile du salarié (ou télétravail), l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord de ce dernier, rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 12 février selon le quotidien Liaisons sociales.
Télétravail, une condition d’embauche ?
La jurisprudence de la Cour de cassation se veut protectrice du domicile du salarié : en tant que composante de la vie privée, le salarié est libre d’en choisir le lieu d’implantation. Mais il peut aussi accepter d’y travailler si l’employeur le lui propose, voire même en faire une condition de son embauche.
Dans ce cas, l’employeur qui y consent doit garder à l’esprit que la possibilité de travailler au domicile fera partie intégrante de l’organisation contractuelle du travail et qu’il ne pourra donc pas imposer ultérieurement au salarié de réintégrer les locaux de l’entreprise de manière permanente. La Cour de cassation réaffirme régulièrement ce principe de contractualisation. Dernier exemple en date avec cet arrêt rendu le 12 février.
Contrat de travail prévoyant l’alternative bureau/domicile
Une salariée avait été engagée en février 2009 en tant que rédactrice en chef adjointe. La possibilité de travailler à son domicile avait été prévue dès l’origine par une clause du contrat de travail indiquant que les fonctions « s’exerceront dans un établissement de l’agence à Paris ou à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), ou à son domicile ». Profitant de cette option, la salariée avait intégralement travaillé à son domicile durant quatre mois, jusqu’à ce que l’employeur lui demande, en juin suivant, de travailler dorénavant exclusivement dans les locaux de l’entreprise situés à Fontenay-sous-Bois.
Modification du contrat de travail ou simple changement des conditions de travail ? Pour l’employeur, suivi par la cour d’appel de Versailles, il n’y avait là aucune modification contractuelle puisque le contrat prévoyait précisément que les fonctions pouvaient s’exercer aussi au sein de l’entreprise. Ce changement entrait donc dans les prévisions contractuelles et, en le refusant, la salariée avait commis une faute justifiant un licenciement disciplinaire. Pour la salariée, il s’agissait au contraire d’une modification du contrat de travail nécessitant son accord, puisqu’elle était désormais privée de l’option prévue contractuellement.
Modification de l’organisation contractuelle du travail
La Cour de cassation a, sans surprise, tranché en faveur de la salariée, rappelant ainsi le principe selon lequel « lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié ».
Pour les Hauts magistrats, lorsqu’elle est acceptée par les deux parties, le télétravail fait donc partie intégrante de l’organisation contractuelle du travail. Cette contractualisation peut résulter soit, comme en l’espèce, d’une clause du contrat de travail introduite dès l’embauche, soit « d’un accord » des deux parties intervenu en cours d’exécution du contrat .
Seul un accord des deux parties permet alors de revenir sur ce mode d’exécution du travail. Le régime juridique est ainsi distinct du régime de la modification du lieu de travail qui laisse place au pouvoir de direction de l’employeur au sein du même secteur géographique ou en présence d’une clause de mobilité. En 2006, il avait d’ailleurs été précisé qu’une clause de mobilité ne permet pas davantage à l’employeur de revenir unilatéralement sur la possibilité de travailler au domicile accordée à un salarié . Il faut toutefois signaler des exceptions à la nécessité de recueillir l’accord du salarié.
Passage en télétravail en cours d’exécution du contrat
D’une part, la possibilité de travailler au domicile pourra avoir été accordée expressément et dès l’origine pour une durée déterminée. Dans ce cas, au terme de cette période, le salarié aura l’obligation de rejoindre les locaux de l’entreprise.
D’autre part, en cas de passage en télétravail en cours d’exécution du contrat, l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 : autorise les parties à aménager une période d’adaptation, au cours de laquelle le salarié comme l’employeur pourront chacun décider de ne pas poursuivre la formule, moyennant le seul respect d’un délai de prévenance.
Reste à savoir comment ce type de clause sera accueilli par la Cour de cassation au regard du principe réaffirmé dans l’arrêt du 12 février.
(Source : Fil AFP-Liaisons sociuales – Photo : Zach Beauvais)