Comment s’organiser pour bien travailler chez soi … et faire tourner son activité
S’organiser pour travailler chez soi est un problème qui revient souvent dans vos questions. Nous avons donc demandé à Jean-Christophe Courte, auteur avec l’illustrateur Lukino, de Comment travailler… chez soi, de répondre à cette question.
Jean-Christophe y apporte aussi son regard d’indépendant puisqu’il exerce depuis 10 ans le métier de graphiste de livres en télétravail, chez lui. » La question est subtile – merci Xavier ! S’organiser pour bien travailler chez soi sous-entend quasiment que l’on a déjà pris la décision de bosser chez soi. Mieux, que l’on a démarré son activité dans la foulée« .
Oublions donc le temps de la réflexion, des motivations. Vous avez opté pour cette manière de bosser, il est temps de réviser vos bonnes pratiques en terme d’organisation.
Un lieu défini pour travailler chez soi
Première étape à ne surtout pas shunter, celle de circonscrire votre activité à un endroit précis… Et fermé de surcroît, isolé phoniquement et visuellement du reste de la maisonnée.
S’il est amusant de s’imaginer se balader avec son ordinateur portable — plus encore avec un iPad — d’une pièce à une autre en fonction des conditions climatiques (ce qui reste possible certains jours pour échapper à une météo trop fraîche, venir s’installer devant la cheminée qui ronfle n’est pas désagréable), le bon sens nous commande de choisir une pièce pas trop vaste pour ne pas d’étaler en mode » binz » — ni trop petite, CQFD ; bien ventilée pour ne pas s’étouffer peu-à-peu dans des remugles insalubres ; bien éclairée mais avec — si possible — une lumière venant du nord, tant pour éviter des coups de projecteur du soleil que son intense rayonnement calorique. Et, bien entendu avec le minimum de connexions pour brancher micro et périphériques.
Reste en suite à aménager cet espace que l’on va occuper quotidiennement. Là, c’est une question d’état d’esprit. Certains vont rechercher une ambiance monacale — voire austère ; d’autres aménager un coin douillet et confortable. C’est l’affaire de chacun mais je souhaite préciser deux petites choses à prendre en compte.
Évitez de vous faire refiler du mobilier inadapté… !
Travailler chez soi est aussi le moment d’installation où des tas de bonnes âmes pensent à votre place. Or l’enfer, vous le savez bien, est rempli de bonnes intentions…! Il va falloir impérativement rester ferme, impavide…!
En gros, refusez « chaleureusement » le meuble volumineux et sombre dans lequel vous allez exploser vos genoux cent fois par jour. Évitez de truffer votre espace de tous ces petits meubles dits « pratiques » et fragiles qui vont noyer en un clin d’œil votre tanière, ces nids à poussières inutiles et, accessoirement, de réels « goulps » mangeurs d’objets…!
Évitez comme la peste le solution genre penderie que l’on referme après usage pour masquer votre microscopique espace de travail. Manifestement les concepteurs de ces débarras polymorphes ont oublié de les tester et, si c’est « joli » sur lae papier, bosser entre deux planches — pardon, deux portes — avec comme seul horizon un fond du placard ne va pas stimuler votre créativité.
Il paraît que c’est fait pour ne pas contrarier son conjoint. Si vous en êtes réduit à bosser dans une penderie, ne vous étonnez pas des conséquences à venir !!!
Quitte à être un peu cassant, sec, voire franchement désagréable, refusez ces merveilleuses attentions/inventions qui sont autant de chausse-trappes à court et moyen terme…! Investissez quelques euros pour vous offrir une simple planche et une paire de trétaux qui vous permettront de placer sans peine vos outils numériques en toute tranquillité.
Bon, notez que pour un coût raisonnable, vous trouverez des solutions modulaires à monter par vous même et qui peuvent s’assembler de différentes manières, se régler en hauteur tout en étant assez rigides pour supporter des charges importantes.
Et la couleur du plateau…? Mais clair, blanc, pour renvoyer un maximum de lumière.
Du coup votre espace de travail est lumineux, dépouillé et pratique pour commencer votre activité.
Passons à une autre pièce maîtresse de votre bureau trop souvent négligée…
Travailler chez soi… sur un siège de qualité
Si vous êtes convaincu qu’une bonne selle de vélo ou d’équitation — une selle de qualité — a une importance cruciale sur l’état de votre postérieur, je n’ai pas à insister…!
Pour les autres, un simple rappel de bon sens. Travailler chez soi, c’est passer le plus clair de sa journée assis et donc le risque patent de générer des tensions au niveau de votre dos, d’avoir mal aux fesses au bout quelques heures à saisir du texte sur votre ordinateur.
Comme le résumait Michel de Montaigne à la fin de son livre III des Essais, » sur le plus haut des trônes, on n’est assis que sur son cul » (Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes nous assis, que sus nostre cul), aussi ménageons-le…!
Même politique que vis-à-vis des meubles encombrants, on évite la récupération d’un exemplaire vintage de ces fauteuils de cuir à haut dossier, genre « grand patron » des années soixante. À moins d’aimer transpirer ou d’avoir de l’espace, ces sièges ne sont pas des modèles d’ergonomie, loin de là. Pas question non plus de s’offrir une chaise dactylo pliante qui servira plutôt de siège au visiteur ou d’opter pour un tabouret inconfortable mais tellement design…!
Bref, avec votre ordinateur, le siège de bureau est le second gros investissement à réaliser. Qui veut aller loin ménage sa monture, non ? Or, le refus de cette acquisition tient généralement en un mot, son coût…!
Pourtant, entre les potentielles économies de séances de kiné, l’absence de tensions douloureuses au niveau du dos, une productivité accrue due au confort indéniable d’une bonne assise, le choix devrait être vite fait. En résumé, cet investissement est l’un des plus importants pour votre travail mais malheureusement l’un des plus négligés, tant pis pour vous…!
Matériel et mobilité
Pour finir sur l’aspect purement matériel, le choix de l’ordinateur et des outils de communication ne regardent que vous mais un ordinateur portable vous permet d’aller travailler chez le client, éventuellement, chez des partenaires, dans le train ou en pointillé pendant les vacances. Du coup, la mobilité chez soi devient, de facto, possible. Côté téléphonie, un produit comme l’iPhone vous permet de relever vos courriels et d’y répondre sans sortir chargé comme une mule, pensez-y… Mieux, répondre à un mail urgent en attendant vos gamins à l’école au lieu de le découvrir 30 minutes plus tard avec 5 relances, c’est confortable.
D’autres aspects essentiels de votre organisation…
Une fois cette organisation matérielle en place, il faut la lier à une bonne connexion sur le net, une téléphonie pensée et éviter de se retrouver avec des tas de câbles tous azimuts dans son bureau, le meilleur moyen de capter la poussière entre autres… Bref, du bon sens en toutes circonstances.
Reste à vous organiser mentalement…!
Horaires
Cela commence par un point très clair et commun à toutes les entreprises, des horaires parfaitement définis…! Mettez un cadre à votre activité, ne laissez pas vos clients définir à votre insu vos propres plages de travail et protégez au maximum ce qui vous tient le plus à cœur, votre famille…!
Même si cela peut vous sembler pas très commerçant, ces plages horaires sont très bien perçues par les clients — ou vos collègues. Bref, avoir des horaires en bossant chez soi n’est pas antinomique…!
Cela ne fonctionne bien que si vous-même les respectez, CQFD…! Soyez-précis et n’oubliez pas d’informer vos clients de vos absences ou impossibilités de vous contacter par un message explicite sur votre répondeur ou via un courriel d’annonce.
Communiquez !
Ensuite, il va vous falloir apprendre à communiquer. Si vous êtes un indépendant, souvenez-vous que vous n’êtes plus dans une boîte, vous êtes « la » boîte. Et donc à la fois à la production, au marketing, à la technique et à la communication…!
Ce dernier point est important. Vos clients ne sont pas Madame Soleil et donc ne lisent pas encore dans vos pensées. N’ayez pas peur de communiquer, d’expédier des courriels brefs et précis. Brefs car il n’est pas question non plus de les saouler. Précis, car c’est aussi une manière de (dé)montrer votre fiabilité.
En aparté, communiquer par courriel nécessite une adresse simple et professionnelle, facile à retenir par votre client, une signature automatiquement ajoutée à votre envoi et un opérateur de qualité. En effet, le forfait « pas cher », la solution bricolée qui fait arriver vos courriels avec 20 minutes de retard peuvent mettre à mal votre petite entreprise.
Fiabilité
Voilà la vertu « numéro un » exigée par vos clients. Être fiable. Ce n’est pas compliqué de prévenir quand il y a du retard, ne pas devenir soudainement injoignable dès qu’il y a un problème à l’horizon…! C’est à cette condition de totale transparence que vous vous attacherez des clients réguliers. On dit ce que l’on fait et, surtout, on fait ce que l’on dit. Basique mais indispensable.
Ensuite, c’est à vous d’être un bon professionnel, de connaître votre boulot et vos limites et de mener à terme les missions engagées.
La suite de ce billet s’adresse à celui qui travaille chez lui et entreprend en solo. Hormis tout ce qui a été évoqué précédemment à grands traits, il reste bien d’autres aspects à prendre en compte dans votre nouvelle organisation.
Missions et anticipation
Car travailler chez soi et exécuter une mission, ce n’est pas exclusivement la réaliser mais bien la définir au départ, s’entendre sur un devis précis qui sera signé préalablement par le client, la mener à bien jusqu’à sa livraison puis passer immédiatement à sa facturation avant d’en démarrer une autre.
Cela peut sembler un peu bizarre mais facturer de suite quand tous les éléments sont encore frais est une bonne hygiène de travail. Et cela est aussi plus agréable pour le client qui apprécie aussi de pouvoir boucler professionnellement la mission. Attention, si il vous est demandé des choses en plus, facturez néanmoins ce qui a été réalisé et devisez la suite « séparément ». C’est bien une autre mission qui démarre, non…?
Bien entendu il y a bien d’autres phases importantes qui vont prendre un peu de temps, des points à conserver en mémoire en toutes circonstances. Comme bien se comprendre avec le client sur la mission avant de s’engager, notifier ce qui rentre dans le cadre de cette dernière. Et ce qui n’est pas compris.
Accessoirement, budgéter les surcoûts potentiels comme identifier clairement ce que vous ne pouvez ou ne souhaitez pas prendre en compte.
Comptabilité, charges et tutti quanti
Un autre aspect de votre nouvelle activité est que vous faites absolument tout, comme tout indépendant…! Il vous faut donc apprendre à prospecter, à agir comme un commercial, un exécutant de qualité mais être aussi votre direction informatique, le service de nettoyage de votre bureau… Et gérer impérativement les factures entrantes et sortantes.
C’est sur ce dernier point qu’il faut être intransigeant. Dès le passage de la poste, ouvrez votre courrier et ne l’oubliez pas en haut d’une pile…! L’astuce est de scanner ses documents au format PDF, payer immédiatement ses factures (il ne s’agit pas d’expédier de suite ses dernières, juste de les programmer) et placer dans une enveloppe pour votre comptable toutes les pièces papier qui ont été numérisées.
Ensuite, tenir sur son ordinateur un suivi précis pour savoir, au jour le jour, où vous en êtes, quelles sont les entrées en attente, les factures à régler, ce que vous avez sur votre compte courant, etc. Le coup de se plonger dans sa compta une fois par mois n’est pas viable. Un petit peu tous les jours permet d’éviter relances, aigreurs d’estomac et, surtout, majorations pour défaut de paiement…!
Pour finir…
En résumé, ces petites notes couvrent les aspects les plus criants de votre nouvelle activité. Il y a bien d’autres choses à prendre en compte mais, pensez d’abord à la qualité de votre espace de travail déconnecté le plus possible du reste de votre logement ; au mobilier adapté pour travailler de longues heures sans peiner.
Puis développez votre propre méthodologie pour répondre tant aux demandes des clients que celles entraînées par votre activité.
Jean-Christophe Courte (urbanbike.com) et Lukino (lukino.net) sont les auteurs de Comment travailler… chez soi, ouvrage paru chez Eyrolles en 2005.
Jean-Christophe Courte exerce son métier de graphiste de livres à domicile depuis plus de 10 ans. Ce mode de fonctionnement lui permet de s’occuper de ses deux enfants tout en animant son blog — urbanbike.com — et en bossant pour ses clients éditeurs.
Très bon article. Voilà de bonnes habitudes à prendre dès le départ. Les autres « occupants » de la maison prennent le pli assez vite si les règles sont fixées immédiatement.
Sympa, les dessins….
Pour installer son bureau : une idée pour ceux qui n’ont pas de place à la maison mais un grand jardin : http://www.monbureaudansmonjardin.fr/
Merci de l’info Isabelle, c’est publié : http://www.zevillage.fr/2010/06/votre-bureau-cle-en-main-pour-teletravailler-dans-votre-jardin/
Très édifiant !
Bonjour,
Merci pour cet article bien écrit et très clair ! Je travaille chez moi depuis plus de 4 ans. Je suis salariée d’une association et je trouve qu’il y a des problèmes liés au travail chez soi, de l’ordre de la réglementation du travail ou de l’indemnisation des charges :
– mon patron a établi une rémunération « à la tâche » indexée sur le coût des produits sur lesquels je travaille. Si je travaillais vite (au risque de bâcler le boulot…) je m’y retrouverais la plupart du temps (pour gagner un peu plus que le Smic) mais si je fignole un peu (c’est ma tendance naturelle), là je suis perdante et je ne touche pas tout à fait le Smic… Alors quand je perds une heure par ci par là parce que j’ai des soucis d’imprimante ou parce que mon ordi bugge… eh bien là tant pis pour moi ! C’est du temps pour ma pomme.
J’ai récemment tempêté auprès de mon directeur pour faire valoir tout le temps passé à gérer des tas de petites tâches annexes (environ 7 % de temps en plus) et j’ai obtenu gain de cause, mais ça a été dur !
– idem : il y a deux ans, j’ai réclamé d’être indemnisée pour les charges EDF, GDF, Internet et les déplacements que mon budget familial prend en compte pour mon travail… et je peux dire que pour ça aussi ça a été très dur…. un vrai bras de fer ! et si j’ai obtenu gain de cause c’est parce que je ne me suis pas dégonflée et que j’ai dit que j’allais en référer au président de l’association qui est mon véritable employeur… Du coup mon directeur a accepté le principe d’idemnisation deux fois par an.
Mon patron finit par me concéder ces indemnisations ou rémunération supplémentaire, mais c’est après bien des discussions pénibles, où je dois motiver ma demande, argumenter, expliquer, etc… et essuyer parfois des menaces plus ou moins déguisées de licenciement pour indiscipline (mais je sais que c’est juste pour me faire peur).
Je ne sais pas si toutes les personnes salariées (je veux dire « qui ne sont pas à leur compte ») s’estiment correctement rémunérées mais moi je trouve que c’est quand même un peu limite : j’estime ne pa
fin de mon message (excusez l’envoi intempestif !) :
Je ne sais pas si toutes les personnes salariées (je veux dire « qui ne sont pas à leur compte ») s’estiment correctement rémunérées mais moi je trouve que c’est quand même un peu limite : j’estime ne pas être reconnue pour ce que j’apporte à la boîte.
Y a t il une instance qui pourrait renseigner sur la législation du « travail chez soi » en matière de rémunération, d’indemnisation des charges, de couverture en cas de maladie ou d’accident du travail ?
Merci de votre attention.