Semaine de 4 jours de travail : utopie ou réforme à engager d’urgence ?
La semaine de 4 jours a connu un regain d’intérêt en début d’année grâce à Sanna Marin, la Première ministre finlandaise. Son projet de raccourcir la semaine de travail (qui n’était en fait qu’une évocation) reposait la question en France aussi. Alors, utopie décroissante qui menace nos entreprises ou évolution inéluctable vers une meilleure qualité de vie couplée à une croissance de la productivité ? La réponse semble être avant tout dans nos méthodes de management.
Début janvier 2020, la cause des partisans des 4 jours par semaine était bien partie : la Finlande allait embrasser cette réforme et l’Europe ne manquerait pas de suivre. Malheureusement, cette annonce n’était qu’une demi-réalité et donc une demi-bonne nouvelle. En fait de projet, il ne s’agissait que de l’évocation d’une idée dans un contexte militant à l’été 2019 par celle qui n’était alors pas Première ministre mais ministre des Transports et de la Communication.
Elle proposait de réduire la durée du travail en faisant passer l’actuelle semaine de 40 h (5 x 8 heures) finlandaise à « une semaine de travail de quatre jours ou une journée de travail de six heures » expliquait-elle. Soit 32 heures (4 x 8h), soit 30 heures (5 x 6h).
Réduire la semaine en travaillant mieux
La semaine dernière, Madame Figaro relatait l’expérimentation de Welcome to the jungle qui teste depuis mi-2019 la semaine de 4 jours payés 5. Expérience qui a mal commencé avec une chute de la performance de 20% ! Après correction, le test a continué avec succès puisque la performance des semaines raccourcies dépasse maintenant celle de la semaine de 5 jours.
Le secret de la réussite c’est l’organisation comme l’explique Jérémy Clédat, co-fondateur de l’entreprise : « Mieux gérer son temps, en éliminant les réunions inutiles, par exemple, et prioriser les projets pour faire des choix vraiment profitables à l’entreprise.» On ne travaille pas plus mais plus intelligemment. Plus de confiance, plus d’autonomie et plus d’attention portée par les managers à l’organisation des collaborateurs. Par exemple le découpage des tâches floues, sans durée précise, en petites tâches dont on peut suivre l’avancée dans la semaine. De la flexibilité (avec bien-sûr du télétravail) couplée à de l’autonomie.
Les exemples de semaines de 4 jours réussies commencent à se multiplier, et pas juste dans des start-ups. Microsoft Japon a elle aussi adopté la semaine de travail de quatre jours depuis août 2019.
Microsoft Japon s’essaye aux 4 jours
Microsoft ne s’est pas contenté de réduire les horaires ; elle a étudié en profondeur la manière dont les employés allaient occuper leur temps libre nouvellement acquis. Le programme a encouragé les employés à consacrer leur temps libre au bénévolat, au développement professionnel et au temps familial. L’entreprise a même subventionné les frais de scolarité et des activités comme les voyages en famille et l’athlétisme.
Les résultats ont été surprenants : une augmentation impressionnante de 39,9 % des ventes par rapport au même mois de l’année dernière, ainsi que des gains d’efficacité inattendus, comme une réduction de 23 % de la consommation d’électricité et de 58,7 % des pages imprimées, en partie grâce à l’initiative de télétravail menée pendant la même période.
Et évidemment la mesure a été plébiscitée par les salariés : 92,1 % des employés ont approuvé les semaines courtes, et 97 % ont apprécié le temps supplémentaire consacré à la famille et à l’épanouissement personnel.
Un vrai conte de fée cette semaine de 4 jours ? Augmentation de la productivité et du bien-être des salariés. Il reste donc à la généraliser.
Un croisade à laquelle s’est attelé Andrew Barnes, le dirigeant de la société néo-zélandaise Perpetual Guardian dans laquelle il a bien-sûr adopté ce mode d’organisation. Dans le TedX ci-dessous il explique sa philosophie et le mouvement, 4 day Week, qu’il a lancé.
La réalité ce n’est pas 4 jours par semaine mais plutôt 6
Mais le changement n’est pas si simple. Cette idée se heurte à la réalité. La société Citrix a mené une enquête intitulée The Future of the Working Week (PDF), réalisée par l’institut de recherche OnePoll auprès de 2 750 travailleurs actifs dans plusieurs pays européens dont la France, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Norvège, la Suède et le Danemark.
Et la réalité c’est que 53% des personnes interrogées déclarent spontanément travailler quatre à huit heures par semaine en plus de leurs heures contractuelles. Et 82 % des sondés français, tous types de contrats confondus, admettent travailler en dehors des heures de bureau, que ce soit pour répondre à un appel professionnel, à un email ou à un message instantané. Près de la moitié d’entre eux (49%) effectuent ces heures supplémentaires « quotidiennement » ou « presque tous les jours ».
On est donc en France plus près de la semaine de 6 jours que de celle de 4 jours. C’est en tout cas l’opinion de 54% des Français dans l’étude. Un sentiment collectif puisque ces mêmes 54% conviennent que le recours systématique aux heures supplémentaires est un phénomène national.
Toujours en France, 39% des travailleurs attribuent leurs heures supplémentaires à des charges de travail irréalisables.
La réponse est dans les nouvelles formes de travail
Pour plus du tiers (35%) des répondants, la solution la plus adéquate à ce problème serait d’accroître le nombre de collaborateurs. Une meilleure expérience des outils technologiques (16%) et des processus d’automatisation (18%) est également évoquée pour réduire le recours aux heures supplémentaires.
Mais la véritable réponse serait ailleurs comme le montrent bien les exemples de Welcome to the Jungle ou de Microsoft Japon. Pour 65% des personnes interrogées dans l’étude Citrix, une meilleure productivité nécessiterait que les employeurs s’ouvrent à de nouvelles formes de travail.
Parmi elles, certains évoquent la semaine de 4 jours. Et 84% des français choisiraient volontiers de ne travailler que quatre jours par semaine si on leur proposait. A condition de conserver le même niveau de salaire pour 71 % d’entre eux.
Et l’on retrouve la culture du management, le retard pris dans l’adoption des nouvelles formes de travail dans les causes de perte de temps dans nos journées qui engendrent des heures de présence inutiles.
De nombreux éléments indiquent qu’un raccourcissement de la semaine de travail pourrait conduire à des niveaux de productivité supérieurs et qu’il est donc nécessaire de repenser le travail de manière efficace et optimisée. En tout cas, ils sont 51 % des répondants à l’enquête à estimer qu’une approche dépassée du travail freine la productivité potentielle.
Télétravail, 4 jours par semaine, même combat
La semaine de 4 jours semble encore loin. Mais de nombreuses expérimentations réussies existent comme en témoigne cet article de France Info. Certes beaucoup d’obstacles existent dont le moindre n’est pas l’évolution de la culture du management des entreprises. Mais les bénéfices sont immenses pour les salariés, les entreprises et la société. Du temps libre dégagé pour soi, une meilleur qualité de vie, moins de déplacements et donc moins de gaspillage de C02.
Le blocage résiderait dans la difficulté à financer cette nouvelle organisation. Mais est-ce vraiment la réalité ? Pourquoi raisonner à données constantes, en terme de « partage d’un gâteau » fixe comme dans la mise en place des 35h ou en compensation des mesures par de l’argent public ?
Et si, tout simplement, il ne fallait pas aller chercher les ressources dans une transformation de nos habitudes et méthodes de travail ? Des changements qui se traduisent, comme le prouvent les pionniers de la semaine de 4 jours, par des gains de productivité.
Une petite révolution qui a les mêmes causes, les mêmes bénéfices et les mêmes blocage que le télétravail. Bienvenue dans le XXIe siècle.