Travail hybride : vers un retour du contrôle managérial ?
Le travail hybride s’est développée après le confinement. Il s’agit d’une alternative au full remote : le travail est alterné entre présentiel et distanciel. Cette forme d’organisation du travail est plébiscitée par les employeurs et les salariés. Toutefois, elle peut s’accompagner de formes de contrôle managérial parfois délétère.
Ainsi l’hybridation a révélé des possibilités en matière d’organisation, d’autonomie, de qualité de vie, de performance et bien-être au travail. Un des enjeux majeurs de GRH est désormais d’envisager la possibilité de travail hybride pour une majorité de salariés. Le télétravail a intégré le dialogue social, et fait désormais partie intégrante de la stratégie de fidélisation et de recrutement (marque employeur). Ainsi, l’étude BCG – ANDRH (2022), indique que près de la moitié des DRH (46%) estiment qu’en 2025, le travail hybride, avec deux jours de télétravail par semaine, deviendra la norme.
L’hybridation est perçue comme une opportunité d’autonomie et de liberté d’organisation
Selon l’étude Perception du télétravail par les cadres, vers de nouvelles attentes en matière de qualité de vie au travail , publiée par l’Apec en décembre 2022, le télétravail améliore la qualité de vie au travail des cadres. Et 55% indiquent qu’il leur procure davantage d’autonomie (55 %), premier levier de leur motivation !
Se pose néanmoins la question du contrôle des missions.
En effet, pendant le confinement des comportements déviants sont apparus sournoisement avec de nouvelles formes de contrôle à distance. Et de nouvelles formes de harcèlement se sont révélées.
Travail à distance : entre autonomie et contrôle
L’hybridation du travail et l’autonomie apportée sont devenues des facteurs d’attractivité qui supposent la confiance et la délégation. L’autonomie est définie en 1975 par Hackman et Oldham comme » la mesure dans laquelle l’emploi offre une grande liberté, indépendance, et une grande discrétion dans l’organisation du travail et dans la détermination des procédures à utiliser pour l’exécuter « . C’est aussi « la capacité de se gouverner selon ses propres règles » (Gilbert de Terssac).
Néanmoins, à distance, les salariés avouent avoir des difficulté à se déconnecter, d’où l’apparition de risques psychosociaux qui sont les risques liés notamment aux exigences au travail / surcharge.
On assiste alors à une ambivalence entre autonomie et contrôle lorsque les managers ne sont pas en capacité de déléguer et de lâcher prise.
L’hybridation provoque une rupture du cadre spatio-temporel. Le travail hybride remet en cause le modèle taylorien au profit du modèle d’une organisation virtuelle. C’est la fin de la soumission directe à l’autorité. Le travail à distance rend difficile le contrôle direct du comportement des collaborateurs. Le travail n’est plus directement visible et les individus ne sont plus sous l’observation directe de leurs responsables.
Le contrôle par le comportement tend naturellement à être compensé par une augmentation du contrôle par les résultats. Il s’agit alors de fixer des objectifs concertés, d’organiser un reporting et de contrôler des livrables. Les managers fixent de nouveaux objectifs en contrepartie de la plus grande autonomie des télétravailleurs. Ils créent de nouveaux indicateurs de performance plus facilement mesurables à distance et mettent en place de nouvelles procédures de reporting.
La technologie au service du contrôle managérial
Le confinement et le travail à domicile à temps plein a cependant révélé d’autres formes de contrôle : le contrôle par les contributions ou les inputs (formations, réunions), le contrôle technologique.
Les nouvelles technologies de la communication et de l’information facilitent de nouvelles méthodes de contrôle managérial. On assiste à une Généralisation des réunions par visio-conférences (émergence de solutions de travail collaboratif dans le métaverse). Les individus peuvent développer un sentiment d’intrusion comparable au panoptique.
L’utilisation d’outils technologiques que certaines entreprises ont mis en place comme les webcams, la géolocalisation, ou des logiciels de tracking peuvent être perçus comme une atteinte à leur vie privée et une source de stress.
Les technologies de contrôle par les managers ne sont pas interdites si elles sont proportionnées au but recherché et instaurées dans le cadre de la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et notamment pour assurer un suivi des missions des salariés. Le code du travail pose clairement les limites du contrôle dans son article L.1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché « .
En revanche, les technologies sont parfois détournées pour organiser un contrôle permanent, ce qui est prohibé et sanctionné. Comme le contrôle détourné de l’activité et du temps de présence par exemple.
Quelques points de vigilance
On assiste également à l’apparition d’un « autocontrôle » par les individus eux-mêmes. Le propre du panoptique est d’induire une forme d’autocontrôle. Dans le monde professionnel, la surveillance exercée par les salariés entre eux crée ainsi de nouveaux moyens de pression permettant d’éviter les comportements déviants. Les situations de télétravail ne dérogent pas à la règle.
Le contrôle se déplace vers les individus eux-mêmes, et c’est à eux de faire la preuve de leur autonomie et de leur autodiscipline. L’autocontrôle est une forme de contrôle intériorisé, et les travailleurs se transforment en individus autodisciplinés
Pour éviter une utilisation déviante des technologies à des fins de contrôle permanent des salariés, et prévenir les situations de harcèlement, les DRH et managers devront observer quelques points de vigilance :
- mettre en œuvre et faire appliquer le droit à la déconnexion (charte ou accord par exemple)
- mobiliser les représentants du personnel et favoriser le dialogue social (NAO – QVCT)
- développer la formation des managers
- veiller à la formalisation
- rédiger des Guides de bonnes pratiques
Références académiques
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