Future Of Work

Travail, la soif de liberté : le livre de Denis Pennel explore le nouvel âge

Dans son dernier livre, Travail, la soif de liberté, Denis Pennel, expert du monde du travail, explore le nouvel âge du travail réinventé par les pionniers : slashers, coworkers, télétravailleurs, makers, freelances, auto-entrepreneurs.

Le travail réinventé par les pionniers

Dans la continuité de l’évolution des formes de travail depuis l’esclavage, le servage et l’artisanat, le salariat s’est imposé comme modèle dominant pour travailler et accéder à la protection sociale. Sauf que la garantie de stabilité offerte par cette organisation s’effrite à grande vitesse. Il n’en reste que ses contraintes : travail répétitif, unité de lieu et de temps, petits chefs, organisations rigides, perte de sens de son travail.

Ce qui aboutit, selon l’auteur, à « un effacement de la notion de métier aux conséquences néfastes : perte de responsabilité, des collaborateurs interchangeables, des emplois où l’on ne s’accomplit pas. La bureaucratie de l’emploi a tué l’initiative au travail ». Et engendre des dérives plus graves : «  Dans sa version moderne, bureaucratisée et déshumanisée, le salariat a aussi engendré de l’ennui, du mal-être et du stress. Le salariat ne semble plus être le meilleur chemin vers un avenir meilleur ».

Le salariat a donc étendu son monopole sur le travail au XXe siècle. Malgré une opposition farouche des syndicats au début du siècle. Denis Plenel cite à ce propos, avec malice, Karl Marx qui prônait «  l’abolition du salariat ». A partir des années 1980, le modèle unique se fissure avec l’explosion des CDD, de l’intérim, des temps partiels. Malgré l’ambition de François Mitterrand affichée en 1981 de donner à tous les salarié la protection du statut de la fonction publique.

Autre constat de l’effritement du modèle unique, le chômage grossit de plus en plus jusqu’à exclure aujourd’hui 10% de la population active du salariat.

La soif de liberté

Pourtant d’autres formes de travail sont possibles affirme l’auteur. Il en esquisse les contours dans le portait d’un néo-travailleur idéal, Diego. Ce héros adepte du travail protéiforme est salarié à temps partiel, slasher qui bénéficie d’un revenu universel de base, adepte du crowdsourcing en cas de creux d’activité et bénévole parfois. Il bénéficie d’une protection sociale souple et de droits garantis, visibles sur une plateforme en ligne. Salarié, non-salarié, il n’existe plus de frontière bureaucratique dans ce nouveau monde.

Malgré son approche optimisme de l’évolution du travail, Pennel n’élude pas les menaces du blurring (travail flou) auquel il oppose le droit à la déconnexion, l’arrivée des robots qui, loin d’être une menace, va soulager les humains des travaux pénibles, la déspacialisation du travail qui n’engendrera pas d’isolement si nous inventons de nouveaux espaces de socialisation, en ligne ou en présentiel, comme les illustrent les espaces de coworking. La liberté nécessaire à laquelle aspirent les exclus et les victimes du CDI, n’est pas une menace, un Germinal 2.0 inéluctable. Elle est une chance à saisir.

On touche là au coeur du problème. L’obèse code du travail, les rigidité du CDI ne protègent plus et ses défenseurs freinent le changement par peur d’une perte de protection des « travailleurs ». Denis Pennel propose des solutions pour libérer le travail, un couple idéal : liberté et entreprise et des nouvelles protections.

L’avènement du libertariat

Prônant la libération du travail – et pas l’entreprise libérée qui ne supprime pas le contrôle – il plaide pour le triptyque démocratie-transparence-liberté. Un modèle qui s’appuie sur un socle de droits inaliénables dont les principes reposent sur les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Et se traduit en 15 principes du Droit de l’actif adossé à un code du travail nettoyé et allégé pour que «  le droit du travail ne tue plus le droit au travail « .

Pour avancer dans cette voie, Denis Penel avance 25 propositions pour une action immédiate regroupées en 5 familles d’actions :

  • simplifier le droit du travail pour l’adapter à la nouvelle réalité de l’emploi
  • construire une nouvelle sécurité professionnelle à l’échelle du marché du travail
  • recréer du collectif dans un marché du travail de plus en plus individualisé 
  • supprimer les entraves au travail
  • rééquilibrer les pouvoirs dans l’entreprise.

Le mérite de ce livre est son constat clair et argumenté de la fin d’un monde dans lequel salariat et travail étaient synonymes. Denis Pennel a la sagesse d’éviter les recettes idéologiques simplistes et n’évacue pas les difficultés. Mais il propose des solutions réalistes à même de réconcilier ceux qui veulent aller de l’avant et ceux qui sont effrayés par le futur

On pourra ne pas partager son irénisme vis-à-vis de la plateformisation du travail, l’économie collaborative à la Bla-blacar, Upwork ou Taskrabbit mais elle n’est pas prête de disparaître. Et c’est le grand apport de ce livre : garder les yeux ouverts devant le futur du travail pour mieux l’appréhender.

travail soif de liberté

Travail, la soif de liberté – Comment les start-uppers, slashers, co-workers réinventent le travail, par Denis Pennel (Eyrolles, 264 pages), 18€.

(Sources : photo de Christophe Kiciak)

Xavier de Mazenod

Fondateur de la société Adverbe spécialisée dans la transition numérique des entreprises et éditeur de Zevillage.

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