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RuraliTIC 2011 : la jacquerie du très haut débit pour les campagnes

La 6e édition de RuraliTIC a marqué une rupture dans les discours sur l’aménagement numérique du territoire. A Aurillac, pendant 2 jours, les 31 août et 1er septembre, on a vu monter les exigences des territoires ruraux pour leur aménagement numérique. Et donc pour leur développement.

Tout a commencé par un témoignage vidéo enregistré du ministre Eric Besson (hommage involontaire au télétravail) qui annonçait que « 100% des foyers seront éligibles au très haut débit par fibre optique d’ici… 2025 ». Objectif jugé trop lointain et peu ambitieux par beaucoup de participants.

En dehors des plénières et des ateliers souvent passionnants où l’on parlait aménagement numérique mais aussi usages du très haut débit, quelques événements ont cristallisé la colère et l’impatience des élus et des acteurs ruraux présents.

La fibre optique ici et maintenant

L’enquête menée cet été par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et présentée à RuraliTIC marque bien la prise de conscience des élus locaux. Là où le ministre parle de 2025, près de 95 % de l’échantillon considère que l’arrivée du très haut débit dans leur commune doit être possible au plus tard en 2016.

95% des maires ruraux veulent la fibre optique avant 2016

Enquête étonnante qui révèle que les maires ruraux pensent que le très haut débit est l’investissement prioritaire au service de l’économie. La construction d’un réseau très haut débit arrive très largement en tête des priorités d’investissements, respectivement devant l’école, le réseau routier, la téléphonie mobile et la construction de maison médicale !

Le mémorandum des 7

Le 2e fait marquant de la fronde des ruraux s’est traduit par le mémorandum de 7 collectivités emmenées par le sénateur Leroy (Moselle). Dans une conférence de presse « sauvage » tenue le 31 août dans un hôtel voisin du centre des congrès d’Aurillac, le sénateur s’est fait le porte parole de 7 collectivités locales à l’origine d’un réseau d’initiative public de promotion du FTTH :

  • Ardèche-Drôme numérique
  • CG de la Moselle
  • Dorsal (Limousin)
  • Manche numérique
  • Niverlan (Nièvre)
  • SIPPEREC (périphérie parisienne)
  • Syane (Haute-Savoie).

Ce plaidoyer veut replacer les collectivités au coeur de l’aménagement numérique pour qu’elles jouent leur rôle de garantes de la neutralité des réseaux (voir aussi les réactions de Jean-Michel Billaut).

Des tuyaux et surtout des hommes

Cette prise de conscience collective ne doit pas masquer les autres aspects de RuraliTIC dont les très nombreux témoignages et présentations d’usages innovants des collectivités (dont ceux cités dans le guide publié par la mission Ecoter).

Car la finalité du très haut débit est bien de favoriser le développement d’usages avancés de l’Internet et de donner aux habitants des campagnes un accès à des services économiques, culturels, sociaux ou administratifs auquel ils n’accèdent pas aujourd’hui.

Des usages qu’a rappelé Pierre Ygrié des Webs du Gévaudan dans une présentation remarquée

Ou encore le géographe Jean-Pierre Jambes (cheville ouvrière du FTTH à Pau) pour qui il faut ne pas oublier de parler de services pour le public et pas seulement de tuyaux.

Pour ne plus être frustrés lors du prochain RuraliTIC

Un édition de RuraliTIC très riche mais un peu frustrante quand même. Des rencontres et des échanges hors sessions passionnants mais des tables-rondes et des ateliers qui laissent sur leur faim.

Trop de participants (14 + 9 participants en 1h30 est-ce vraiment efficace ?) ou des ateliers mal préparés avec des exposés similaires diminuent l’apport et l’intérêt des sessions (pour ma part j’ai été bien servi : l’animateur de notre atelier sur les télécentres nous avait réuni le matin pour coordonner les interventions).

Quitte à faire des politesses politiques et à encombrer les estrades pour ne pas refuser d’orateurs, RuraliTIC pourrait évoluer vers un mélange de plénières et de barcamps. Les échanges seraient mieux capitalisés, plus profitables aux participants qui ne participent que peu pour l’instant.

En tout cas vous l’avez compris, malgré ces petits défauts, cette édition de RuraliTIC marque le début d’un virage dans l’aménagement numérique du territoire.

Amis de la campagne, il est temps de ressortir nos cyber-fourches !

Aller plus loin

Voir les échanges sur Twitter qui donnent la température de RuraliTIC. Pas facile de bloguer ou de twitter live d’ailleurs, le Wi-FI de France Telecom (gros sponsor des rencontres) « tombait » régulièrement. Aménagement numérique vous dis-je…

Xavier de Mazenod

Fondateur de la société Adverbe spécialisée dans la transition numérique des entreprises et éditeur de Zevillage.

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9 commentaires

  1. Bonjour,

    Merci pour ce retour. Deux précisions :
    – il serait déjà intéressant de connaître le terme sur lequel s’engage l’Etat pour que TOUS les foyers accèdent à du haut-débit décent (à partir de 8Mo), on est encore loin du compte !
    – tout à fait d’accord sur le déploiement du très haut débit, attention simplement à ce que qu’on ne nous refasse pas le coups de « toutes les mairies » à la place de « tous les foyers »…

  2. Bonjour Denis,

    8 Mo ? Le marché y pourvoira car à part quelques départements et régions qui pensent à la montée en puissance progressive, rien à l’horizon 😉

    Raccorder les mairies seulement ? Et pourquoi pas une nouvelle Charte départements innovants de FT ?

    Je sens aussi venir l’argu commercial de l’opérateur actuellement dominant dans la fibre rurale auprès des maires qui rouspéteront : on vous raccorde en FTTH si vous trouvez 100 abonnés dans votre commune.

  3. « Je sens aussi venir l’argu commercial de l’opérateur actuellement dominant dans la fibre rurale auprès des maires qui rouspéteront : on vous raccorde en FTTH si vous trouvez 100 abonnés dans votre commune. »

    100 ? J’aimerais bien que ce soit le cas: Dans certaines communes, (voire communauté de communes) , les 100 serais facilement trouvés.

    Le problème actuel, c’est qu’aucun opérateur, historique ou pas, ne veux venir, même avec 5000 personnes, si le village est trop loin d’un point de collecte, ou bien que le village est géographiquement étendu….

    C’est pour ça que je prône le fait que si 100 personnes sont trouvé, qu’elles fibrent leur village via du génie civil léger, éventuellement chapeauté par la mairie pour mettre de l’huile dans les rouages.
    Une fois fibrés, ces 100 personnes auront quelques possibilité pour accéder au « haut-débit » (Wifi, satellite) mais surtout auront un poids supplémentaire pour justifier une extension d’un réseau de collecte jusqu’à la zone par divers moyens (Fibre FT, Poteaux électriques,…)
    Et d’autant plus si un village adjacent fait de même.

    Là on est sur un problème d’oeuf et de poule: Personne ne veux amener de collecte parce qu’il n’y a rien a collecter, et comme il n’y a pas de collecte ben personne ne se soucie de fibrer…

  4. 100 abonnés n’intéressent ni FT ni même Free c’est certain.
    Sauf que lorsque FT ouvrira son offre fibre partout sur le territoire, son réseau lui permet d’arriver dans chaque canton. Une sérieuse avance sur les concurrents.

    En revanche, ces 100 abonnés peuvent intéresser un opérateur local ou une association d’habitants qui effectivement tire la fibre elle-même.

    Restera le problème de la collecte qui parfois est bien loin. Quoique, en attendant une collecte fibre on peut toujours monter un pont Wi-Fi ou hertzien.

  5. Denis, je pense que l’approche SEM est bonne dans une grosse collectivité mais difficile dans un village rurale à cause des pré-requis techniques.

    Il faut vraiment un maire ou un porteur de projet très dynamique et convaincant pour réussir à suffisamment enthousiasmer les habitants pour les faire investir.

    On a suffisamment d’exemples aujourd’hui pour savoir qu’investir dans un réseau THD local raccordé à l’Internet est économiquement viable.

    Ce qui est difficile c’est de faire arriver un village à ce niveau de connaissance et de motivation.

  6. Moi j’avais pensé soit à une assos Loi 1901, soit à une SCIC, en terme de status.

    Xavier: Pour moi j’avais 3 axes de travail pour emporter l’adhésion des gens:

    – Garantir, par les status sociétaires, que les gens peuvent récupérer leurs billes si ils partent. C’est le cas d’une SCIC, mais si, en cours de projet ils partent avant par exemple 5 ans (à définir), ils ne récupéreront cette « mise » qu’ au bout de 5 ans.

    – Garder un niveau de contribution initiale faible (entre 250 et 500 par exemple – pas trop plus pour pas effrayer).
    Pour les frais initiaux, il faudra beaucoup de débrouille, un peu de mécénat, des bénévoles, des prêts & dons de matériel,…

    – Impliquer les gens constamment, surtout au début, et faire des rapports le + souvent possible. Y compris aller voir les gens personnellement, aussi, si l’équipe initiale sens que c’est nécessaire.
    L’avantage d’un tirage en aérien c’est que c’est visible par les gens…

    – Avant même le projet, effectuer un essai de collecte (par pont wifi par exemple), et inviter les gens sur le point d’arrivé dans le village, en démontrant: « regardez ce que ça pourrait être chez vous »). Sans leur mentir sur la présence de la TV par exemple.

    – JUSTE avant l’engagement de frais importants (achats de fibre, paiement de FAS,…), convoquer une AG extraordinaire, et valider l’adhésion de tout le monde: A ce moment, une personne qui renonce au projet peux se désister et récupérer sa mise sans frais, immédiatement.
    Si trop de gens partent, fin du projet, et on arrête là les frais.

    Il faut un bon partenariat avec la mairie, en tant que facilitateur (Elle fournirais le local NRO, le sceau « officiel », la possibilité d’utiliser fourreaux & poteaux à titre gracieux, plan du cadastre,….)

    Enfin, pour la technique, il me parait indispensable de former au moins quelques personnes intéressés aux technologies, quitte à leur donner des procédures simplifiées pour détecter & corriger les problèmes.
    ça comprends les éléments physiques (Soudure de fibre, réflectomètrie) et aussi purement informatique: Savoir trouver l’origine d’un problème (ping, route, …), vérifier la configuration des équipements, …
    A long terme, il faudrait que intervenir sur un tel réseau soit aussi « instinctif » que d’intervenir sur un réseau d’eau potable…

    Il faut aussi que plusieurs personne aient la clé du NRO et sachent quand & comment y intervenir, avec un cahier d’interventions.

    La plupart des équipements restent fiable, et de toute façon il faudra aussi BIEN EXPLIQUER que dans un tel modèle de réseau, on aura pas d’emblée 99.999% de garantie sans panne: Les 2 premières années, le temps que « ca se fasse », il y aura des coupures, des trucs qui marchaient-qui-marchent-plus,…
    L’objectif sera d’être ultra-réactif dans ces cas-là.

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