Interrogé par l’Echo début juillet, Jacques Attali répond à une série de questions sur les suites du premier confinement dans la crise actuelle liée au Coronavirus. Outre sa vision des exemples à suivre et à ne pas suivre pour les prochaines semaines ou les prochains mois et des secteurs industriels à sauver ou non, et après avoir indiqué que « l’on pouvait faire beaucoup de choses sans voyager grâce aux visioconférences », il estime que le télétravail « constitue un piège extrêmement dangereux ».

Habitué des prophéties catastrophistes dont certaines se révèlent parfois justes, ce qui est le propre de la statistique des prédictions, Jacques Attali nous promet que l’avènement du télétravail généralisé accentuera la tendance égoïste de notre société en transformant les travailleurs en « mercenaire narcissiques et déloyaux », loin du seul lieu important selon lui dans l’entreprise, la machine à café.

Dans cette vision, Jacques Attali, qui se définit pourtant comme un défenseur de l’économie positive et d’une vision humaniste du monde, fait la part belle à la fois, aux nihilistes, aux détracteurs du télétravail et à ceux qui résument le bonheur au travail à des lieux attirants, accessoirisés et ludiques.

Jacques Attali et les arguments péremptoires

Affirmer avec des arguments aussi péremptoires que peu étayés que les entreprises qui pérennisent le télétravail finissent par renvoyer ou perdre leurs collaborateurs, qui ne peuvent de toute façon pas s’engager autour d’un projet commun dès lors qu’il sont en télétravail, relève autant de la méconnaissance du sujet du télétravail en lui-même que du monde de l’entreprise en général.

Un tel excès de confiance en soi et en ses croyances limitantes de la part d’une personnalité publique et médiatisée est plutôt inquiétant et pourrait décrédibiliser l’ensemble du discours. Se croire suffisamment expert pour donner systématiquement un avis dogmatique sur tout est surtout la démonstration d’une connaissance très superficielle des sujets. Cela, c’est un piège extrêmement dangereux.

Le télétravail en réalité

Concernant le télétravail, en évitant les positions extrêmes très tenues en ce moment, une solution équilibrée consiste à le mettre en place à temps partiel, partout où c’est possible, pour tous ceux qui le souhaitent et qui le peuvent. Ceci en en remettant le collectif au cœur de la pratique du travail à distance. De cette manière, il est possible de développer à la fois la performance globale et la qualité de vie tout en transformant à moyen terme la culture managériale de l’entreprise.

Dans un tel cadre, le télétravail n’est pas qu’une convenance personnelle et individuelle, il devient un mode d’organisation collectif de l’équipe qui s’auto-organise et s’auto-régule, télétravailleurs et non-télétravailleurs puisqu’ils sont tous concernés, d’une manière ou d’une autre, par la distance. En allant de pair avec un développement de la confiance, de l’autonomie et de la responsabilisation au sein de l’entreprise, une telle démarche, bien accompagnée, conduit donc plutôt à renforcer le lien social et l’existence du collectif.

Comme pour beaucoup de sujets, le chemin le plus modéré, co-construit, est sans doute celui qui mène le plus loin et qui engage le plus les collaborateurs autour d’un projet d’entreprise. Le télétravail ne fait pas exception, n’en déplaise aux absolutistes comme Jacques Attali.

Photo de Jyotirmoy Gupta sur Unsplash

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